Ben Ali, du pouvoir absolu à la chute
PORTRAIT•Pendant 23 ans, le «président» a régné sur la Tunisie sans opposition...Reuters
Vendredi 14 janvier 2011, Zine el Abidine Ben Ali a quitté le pouvoir et le pays, après 23 ans à la tête de la Tunisie.
Ben Ali est né le 3 septembre 1936 à Hammam-Sousse, près de la ville de Sousse, dans le Sahel tunisien. Elevé au lycée de Sousse, il est envoyé en France par le pouvoir tunisien pour parfaire son éducation militaire. Diplômé de l'école de Saint-Cyr et de l'école d'artillerie de Châlons-sur-Marne, il suit plus tard des cours d'ingénierie électronique aux Etats-Unis.
Il s'élève rapidement dans la hiérarchie de l'armée tunisienne et crée à 28 ans, alors qu'il n'est qu'un jeune officier d'état-major, le Département de la sécurité militaire qu'il dirigera durant dix ans.
En 1974, il est nommé attaché militaire au Maroc puis en Espagne. Il revient en Tunisie au ministère de la Défense et dirige à partir de décembre 1977 la Sûreté nationale.
Il est nommé ambassadeur de Tunisie en Pologne en 1980. En 1984, il quitte Varsovie pour gravir les échelons du gouvernement tunisien. En deux ans, il passe du rang de secrétaire d'Etat à celui de ministre de la Sûreté puis ministre de l'Intérieur.
Ben Ali devient Premier ministre en octobre 1987. Six semaines plus tard, il accède à la présidence de la Tunisie en déposant Habib Bourguiba, président à vie et fondateur de la Tunisie moderne à la santé déclinante, après s'être arrangé pour qu'un collège de médecins le déclare inapte au pouvoir.
Un règne de 23 ans
Après deux années d'un pouvoir plutôt libéral, Ben Ali remporte sans adversaire l'élection présidentielle en avril 1989. Il s'impose également cinq ans plus tard puis en 1999, lorsqu'il est élu avec 99,4% des voix malgré l'introduction formelle du multipartisme.
En 2002, il supprime par référendum (voté avec plus de 99% des voix) la limite du nombre de mandats présidentiels et repousse à 75 ans l'âge maximal pour se présenter à l'élection suprême.
Il est à nouveau réélu avec 94,4% des suffrages en 2004 et à 89,62% en 2009 - pour la cinquième fois.
Le gouvernement tunisien assure que Ben Ali, 74 ans, est populaire dans son pays, où son visage orne tous les bâtiments publics et des panneaux publicitaires. Il affirme également que la Tunisie de Ben Ali est une démocratie et que la liberté d'expression est respectée. Mais en juillet 2009, l'ambassadeur américain à Tunis, Robert Godec, écrit à sa hiérarchie à Washington, dans un télégramme révélé par WikiLeaks: «Lui et son régime ont perdu le contact avec le peuple tunisien. La corruption va croissant dans son cercle de proches. Même le Tunisien moyen est maintenant au courant de cela et les plaintes sont de plus en plus nombreuses.»
Si la forte croissance économique de la Tunisie, l'un des pays du Maghreb les plus ouverts aux investissements étrangers, est à mettre à son crédit, les critiques l'accusent de bafouer les droits de l'homme et les valeurs de la démocratie. Les médias locaux lui sont inféodés et l'opposition n'est pas représentée au parlement.
La chute, en deux semaines
Le mouvement social qui débute le 16 décembre dernier dans la ville de Sidi Bouzid, après le suicide par le feu d'un marchand de fruits et légumes, apparaît vite comme le défi le plus important auquel Ben Ali ait été confronté dans ses 23 années au pouvoir.
Le 28 décembre, le président juge inacceptables les violences de rue et s'inquiète pour «l'image déformée» qu'elles donnent de la Tunisie.
Le 10 janvier, il qualifie les émeutes d'«acte terroriste» et fait de premières annonces sur l'emploi. Trois jours plus tard, il exclut de briguer un nouveau mandat en 2014.
Mais les manifestations se poursuivent. Vendredi en fin de journée, le Premier ministre Mohamed Ghannouchi annonce que le président de la République tunisienne est dans l'incapacité d'exercer ses fonctions et qu'il assume la charge de président par intérim. Comme 24 ans plus tôt.