DECRYPTAGETunisie: «L'étau se resserre clairement autour de Ben Ali, mais le bât blesse sur l'alternative politique au régime»

Tunisie: «L'étau se resserre clairement autour de Ben Ali, mais le bât blesse sur l'alternative politique au régime»

DECRYPTAGELes annonces de jeudi soir du président Ben Ali n'ont pas convaincu, et ne vont donc pas apaiser les esprits...
Propos recueillis par Bérénice Dubuc

Propos recueillis par Bérénice Dubuc

Au lendemain du discours du président tunisien, Selma Belaala, politiste et chercheuse à l'université de Warwick, au Royaume-Uni, explique à 20minutes.fr pourquoi ces nouvelles promesses ne permettront pas au pays de sortir de la crise.

Les mesures annoncées par le président n’ont pas l’air d’avoir convaincu les manifestants…

Non, car ces propos, c’est la rupture dans la continuité. Ce troisième discours de Ben Ali était une sorte de test pour voir jusqu’où il peut limiter les compromis. II n’y a pas eu de réponse claire sur la question des libertés, donc je ne pense pas que les protestations vont cesser. Cependant, les promesses de Ben Ali pourraient ralentir le soutien apporté par les couches de la société qui ont de la sympathie pour les manifestants, mais qui ne sont pas descendues dans les rues pour protester.

Lesquelles?

Les classes moyennes, qui craignent l’instabilité. Pour le moment, la contestation ne touche que les personnes issues des quartiers pauvres. Mais, si le soulèvement s’étend à toute la population, et si la police ne parvient pas à gérer la situation, la démission de Ben Ali reste possible.

Ce serait une bonne chose?

Oui, s’il y avait une alternative politique stable. Mais la politique est sclérosée dans le pays depuis 23 ans, rien n’est construit au niveau politique. Or, si l’alternative est molle, dépassée par l’instabilité profonde qui s’est installée dans le pays depuis plusieurs semaines, elle sera vite submergée par la situation. C’est à double tranchant: cela peut être pire comme cela peut être mieux.

Il vaudrait donc mieux qu’il reste au pouvoir selon vous?

Non, Ben Ali et son gouvernement sont complètement essoufflés, et l’appareil répressif est dépassé. Il n’a pas de vision politique pour ce pays, alors que la seule solution est politique. Mais sur ce terrain là, Ben Ali n’est pas bon, il n’a pas la capacité d’adaptation nécessaire pour gérer la société. Cela se voit depuis le début de la crise: il n’a pas su gérer le soulèvement, qui s’est maintenant propagé à tout le pays. L’étau se resserre clairement autour de lui, mais le bât blesse sur l’alternative politique au régime.

Cette alternative ne se trouverait-elle pas au sein du mouvement?

J’en doute. Le mouvement n’est pas politisé, il n’y a pas une figure forte capable d’incarner cette opposition qui se dégage. C’est là tout le problème, et c’est très inquiétant.