DECRYPTAGETunisie: La position de la France s'explique surtout par «la peur de l'inconnu»

Tunisie: La position de la France s'explique surtout par «la peur de l'inconnu»

DECRYPTAGELe gouvernement s'est abstenu de condamner fermement la réaction du régime tunisien face aux manifestations...
Bérénice Dubuc

Bérénice Dubuc

Les autorités tunisiennes doivent «mieux prendre en compte les attentes de leur population». La réaction du gouvernement français aux manifestations et aux 23 morts en Tunisie suscite ce mercredi la consternation dans l'opposition, et plusieurs voix se sont élevées pour exhorter la France à se montrer plus ferme face au régime de Zine el-Abidine Ben Ali.

Alors qu’elle a été si prompte à prendre position après les événements en Côte d’Ivoire, la France semble en effet embarrassée face au gouvernement tunisien. La raison? La Tunisie étant un ancien protectorat français, «aller plus loin serait faire preuve d’ingérence», a indiqué François Baroin, le porte-parole du gouvernement ce mercredi.

«Un cache-misère»

Pour Jean-François Martin, auteur d’Histoire de la Tunisie contemporaine (L’Harmattan), «il est vrai qu’il est toujours délicat pour l’ancien colonisateur de porter un jugement sur les anciens protectorats ou colonies, car il y aura un réflexe de dire “ils se mêlent de nos affaires”.» Cependant, «l’indépendance de la Tunisie date d’il y a plus de 50 ans», rappelle Samya El Mechat, professeur d’histoire à l’université de Nice, spécialiste de la Tunisie et des problématiques coloniales au 20e siècle.

Pour elle «l’excuse du passé colonial est un cache-misère qui permet au gouvernement de ne pas prendre position». «Le gouvernement français n’a tout simplement pas envie de réaffirmer les valeurs universelles que sont les libertés publiques, et notamment le droit à la liberté d’expression», martèle la spécialiste.

La France «joue la sécurité»

Selon Jean-François Martin, la position de la France s’explique surtout par «la peur de l’inconnu». Il explique que dans les pays où un pouvoir personnel est exercé, l’opposition est muselée, ce qui créé un certain «vide» autour du pouvoir. «C’est ce vide qui inquiète: on ne sait pas de quoi est faite l’opposition qui pourrait prendre le relais à la tête du pays. Est-elle démocratique ou extrémiste?»

Et, au vu des intérêts économiques de la France en Tunisie, mais aussi de la peur d’un embrasement dans la communauté tunisienne en France ou d’une arrivée massive de migrants si le régime tunisien était déstabilisé, «le gouvernement français préfère jouer la sécurité», conclut Jean-François Martin.