«Attribuer le prix Nobel à Liu Xiaobo, c'est un signe fort envoyé à la société chinoise»
INTERVIEW•Jean-Philippe Béja, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de la Chine contemporaine, réagit à l'attribution du prix Nobel de la paix à Liu Xiaobo...Propos recueillis par Catherine Fournier
Le choix du jury du Nobel constitue-t-il un précédent?
Oui, c’est la première fois qu’un Chinois reçoit le Nobel de la paix. Le dalaï lama l’avait eu en 1989 mais il est Tibétain.
Pourquoi cette année?
L’attribution du Nobel de la paix à l’ex-président finlandais puis au président américain les années précédentes avait surpris. Avec Liu Xiaobo, le Nobel récompense un vrai défenseur des Droits de l’homme, comme Vaclav Havel [le «parrain» de la candidature de Liu Xiaobo en 2010]. C’est aussi le moment de faire un signe à la Chine. Elle a pensé, à tort, qu’elle pouvait intervenir et empêcher l’attribution du Nobel à Liu Xiaobo.
Y aura-t-il vraiment des conséquences pour la Norvège?
Au niveau commercial, peut-être, mais la Norvège a le dos solide, ça ne va pas la tuer.
Et pour Liu Xiaobo, faut-il espérer une libération?
Dans un premier temps, il devrait y avoir un durcissement du pouvoir envers lui et ses amis. Mais à terme, cela devrait favoriser sa libération. A chaque rencontre avec des partenaires étrangers, la Chine devrait avoir des pressions en ce sens. Jusqu’à maintenant, les pays occidentaux avaient oublié de parler des Droits de l’homme avec la Chine ou leur intervention n’était pas très forte. Le prix Nobel permet de dire: «Les marchés, ce n’est pas tout.»
Liu Xiaobo représente LA figure des dissidents chinois?
C’est l’un des plus anciens dissidents sur le sol chinois, il a joué un rôle très important en 1989 dans les événements de Tienanmen. C’est par ailleurs un intellectuel tout à fait estimé dans les milieux de l’opposition mais aussi parmi les intellectuels. Lui attribuer le prix Nobel, c’est un signe fort envoyé à la société chinoise car c’est enfin reconnaître sa diversité.