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Où en est la crise en Nouvelle-Calédonie trois mois après les émeutes ?

Crise en Nouvelle-Calédonie : Trois mois après les émeutes, un « dialogue au point mort »

bloquéeAprès les émeutes du 13 mai, la Nouvelle-Calédonie semble s’apaiser. Selon Mathias Chauchat, professeur de droit public à l’université de Nouvelle-Calédonie, tout n’est cependant pas rentré dans l’ordre
Mathilde Fulleringer-Roy

Mathilde Fulleringer-Roy

L'essentiel

  • Mathias Chauchat, professeur de droit public à l’université de Nouvelle-Calédonie, analyse la crise économique et politique qui secoue Nouméa depuis trois mois.
  • Si la vie est presque redevenue normale, des routes sont encore fermées par les forces de l’ordre, comme au Mont-Dore Sud, troisième ville du pays.
  • Selon l’universitaire, la médiation internationale voulue par les indépendantistes n’aura pas lieu. Et « le dialogue sur une éventuelle solution institutionnelle est au point mort ».

Le Congrès de Nouvelle-Calédonie a adopté mercredi une résolution demandant un soutien massif de l’Etat, de l’ordre de 500 milliards de francs Pacifique (soit environ 4,2 milliards d’euros). La raison ? Reconstruire l’archipel après les émeutes qui ont ravagé son tissu économique et social en mai dernier. Au-delà de ces vœux, la médiation internationale voulue par les indépendantistes et censée apaiser le dialogue entre l’Etat et ces derniers n’aura pas lieu.

Alors qu’en est-il de la situation économique et politique de la collectivité d’outre-mer, trois mois après des émeutes qui ont secoué le territoire ? 20 Minutes a posé la question à Mathias Chauchat, professeur de droit public à l’université de Nouvelle-Calédonie.

La vie à Nouméa a-t-elle repris son cours ?

D’après Mathias Chauchat, « la situation est presque redevenue normale sur Nouméa, l’activité a repris plus ou moins son cours ». Mais ce dernier atteste que les stigmates des émeutes sont encore profonds. « Il reste encore des blocages. Les forces de l’ordre bloquent la population entière, non seulement les Kanak qu’elles privent de leurs droits élémentaires, mais aussi la population du Mont-Dore Sud [troisième commune de Nouvelle-Calédonie] et ses 15.000 habitants qui ne peuvent plus rejoindre la capitale que par des navettes maritimes. » En effet, selon l’universitaire, certaines routes sont fermées par la gendarmerie dans le secteur, comme celle de la tribu de Saint-Louis, qui relie le Mont-Dore à Nouméa. Et ce, pour prévenir le risque d’un affrontement « qui ferait de nouveaux morts ».

Quelles sont les avancées pour renouer le dialogue entre l’Etat et les indépendantistes ?

Depuis les émeutes, le dialogue entre les deux parties paraît quasi rompu. Mais c’était sans compter sur la volonté de ces derniers de faire appel à une médiation internationale, analyse Mathias Chauchat. « La mission du Forum des îles du Pacifique [organisation politique internationale de coopération régionale] aurait pu être un premier pas. Mais la France a voulu l’organiser entièrement seule en la focalisant sur ses efforts pour reprendre le dialogue après les dégâts causés par l’insurrection du 13 mai. » Malgré cette volonté étatique, « le dialogue sur une éventuelle solution institutionnelle est donc au point mort ». Car « le président de la République a annoncé qu’il reprendrait les discussions en octobre, sans préciser avec qui, ni sur quelle base ».

Et du côté des indépendantistes…

« Les indépendantistes souhaitent discuter d’une date ferme d’indépendance en contrepartie de leur acceptation d’une convention d’interdépendance, c’est-à-dire la création d’un État associé [davantage autonome] », décrypte le professeur de droit. Cette solution, proposée entre les deux référendums de 2020 et 2021, est « radicalement refusée par l’État et les non-indépendantistes ».

Économiquement, l’archipel peut-il se remettre des dégâts causés par les émeutes ?

Les émeutes de mai dernier ont provoqué des bouleversements profonds, à la fois structurels et économiques. Ces derniers laissant l’archipel dans un chaos tel qu’une partie non négligeable de la population fuit le territoire. D’après Mathias Chauchat, « les dégâts économiques sont de l’ordre de 10 à 15 % du PIB calédonien. » Un pourcentage colossal qui laisse penser que « la reconstruction prendra du temps ». Car toujours selon le spécialiste, « les départs des populations sont assez sensibles. Depuis le 13 mai, on a enregistré 6.000 départs sans billet de retour sur une population d’à peine 270.000 habitants. À terme, 20.000 départs sont estimés par la chambre de commerce et d’industrie, essentiellement des Européens métropolitains. » Un phénomène qui devrait renforcer la population kanak, « tant le vote est ethnique ».