Neutralité, « rideau de rösti » et droite populiste… Le point sur les élections législatives en Suisse
récap'•Ce dimanche, les Suisses doivent renouveler, comme tous les quatre ans, l’Assemblée fédérale, le parlement bicaméral20 Minutes avec AFP
L'essentiel
- La droite populiste suisse, anti-immigration et anti-UE, devrait remporter les élections législatives dimanche, dans un contexte de crise migratoire européenne et de montée des craintes liées aux risques d’attentats en Europe, selon les sondages.
- Les bureaux de vote n’ouvrent que pendant deux ou trois heures le matin car l’immense majorité des Suisses votent par correspondance. Une première projection des résultats en pourcentages est attendue à 16 heures.
- Mais au-delà de son chocolat, de ses fromages et de ses banques, voici cinq choses à savoir sur ce petit pays alpin d’environ 9 millions d’habitants, niché au coeur de l’Europe.
[EDIT du 22 octobre à 17h30] : La droite populiste suisse est la grande gagnante des élections législatives ce dimanche, à 29,2 % des voix, selon les premières projections, qui confirment aussi le recul attendu des partis écologistes. « C’est une grande satisfaction », a réagi la vice-présidente de l’Union démocratique du centre (UDC), Céline Amaudruz, sur le plateau de la télévision suisse publique RTS. La projection nationale de l’institut de gfs.bern pour le compte du groupe audiovisuel public suisse SSR montre un renforcement de l’UDC, qui a fait campagne contre « l’immigration de masse », loin devant les socialistes (PS), deuxième parti à la chambre basse du Parlement, qui obtiendraient un peu plus de 17 % des voix, en très légère hausse. Cette projection montre également que Le Centre et les Libéraux-Radicaux (PLR), bataillent pour la troisième place, à environ 14,5 % des voix, tandis que les Verts reculent à 9,1 % des voix et Vert’libéraux à 7,1 %.
Les Suisses votent ce dimanche (la grande majorité par correspondance), dans un contexte de crise migratoire européenne et de montée des craintes liées aux risques d’attentats en Europe. Selon les sondages, la droite populiste suisse, anti-immigration et anti-UE, devrait remporter ces élections législatives.
Le petit pays alpin, qui compte quelque 8,8 millions d’habitants, renouvelle ses 200 députés du Conseil national (chambre basse) au scrutin proportionnel, et ses 46 sénateurs du Conseil des Etats (chambre haute) au scrutin majoritaire. La composition de la chambre haute – sous contrôle de la droite libérale et du centre – ne varie guère au fil des élections. A la chambre basse, le parti de droite dure UDC (Union démocratique du centre) devrait, selon les sondages, consolider sa place de première force politique au détriment des libéraux-radicaux (PLR), tandis que les Verts devraient céder du terrain au profit des socialistes (PS).
Au-delà de son chocolat, de ses fromages et de ses banques, voici cinq choses à savoir sur la Suisse, alors qu’une première projection des résultats en pourcentages est attendue à 16 heures.
Un quart d’étrangers
La Suisse est l’un des pays qui compte la plus forte proportion d’étrangers (25 %) sur son territoire. Les Italiens formaient toujours fin 2022 la population étrangère la plus importante avec 335.755 résidents à titre permanent. Ils étaient suivis des Allemands (317.544 personnes), des Portugais (257.829 personnes) et des Français (157.769 personnes). En raison de la forte augmentation de la demande sur le marché du travail, l’immigration nette dans la population étrangère résidant de manière permanente dans le pays a encore augmenté l’an dernier de 14,8 % par rapport à 2021. La très grande majorité de ces personnes étaient en provenance de l’Union européenne ou de l’AELE (Islande, Liechtenstein et Norvège).
La neutralité avant tout
Depuis 1815, la Suisse est reconnue officiellement comme un pays neutre par la communauté internationale. En vertu du droit de la neutralité, la Suisse ne peut participer à une guerre opposant d’autres États. Elle ne doit pas non plus favoriser des parties belligérantes sur le plan militaire, que ce soit sous la forme de troupes, d’armements ou de la mise à disposition de son propre territoire. Une position qui a valu des critiques à la Suisse, après l’invasion de l’Ukraine.
Le droit de la neutralité ne l’empêche toutefois pas de soutenir une opération militaire décidée par le Conseil de sécurité de l’ONU, ni d’adopter des sanctions internationales. La Suisse a adopté les mêmes sanctions économiques contre Moscou que l’UE. Cette neutralité de la Suisse est « librement choisie, permanente et armée ». Le pays dispose donc d’une armée de milice, les hommes étant obligés d’accomplir leur service militaire et d’effectuer par la suite, pendant plusieurs années, des « cours de répétition » qui durent plusieurs semaines par an.
L’art du compromis
Démocratie directe, la Suisse est gouvernée par sept ministres élus par le parlement selon un consensus qui permet actuellement à cinq partis d’être représentés au gouvernement, le Conseil fédéral. Ce dimanche, les Suisses doivent renouveler, comme tous les quatre ans, l’Assemblée fédérale, le parlement bicaméral. A noter que la nouvelle Assemblée fédérale désignera le 13 décembre le Conseil fédéral.
La Confédération, les cantons et les communes (26 cantons et les plus de 2.000 communes) fonctionnent – au niveau du pouvoir exécutif – selon les principes de la collégialité et du consensus. Au niveau fédéral, toutes les décisions émanent ainsi du Conseil fédéral dans son ensemble et engagent ses sept membres, qui représentent les principaux partis. Ainsi, il n’est pas inhabituel de voir un ministre issu de la droite défendre un projet de loi émanant de la gauche, et inversement. A tour de rôle, l’un des ministres assume le rôle de président de la Confédération pour un an.
Ceci sans oublier que les Suisses disposent non seulement du droit de vote, normal en démocratie, mais aussi du droit de voter sur des questions concrètes, tant au niveau local, cantonal que fédéral. La démocratie directe permet aux Suisses de se prononcer sur les décisions du Parlement ou de proposer des modifications constitutionnelles. Des votes populaires – sous forme d’initiatives ou de référendum – sont ainsi organisés tous les trois mois.
La barrière culturelle ou le « Röstigraben »
Plus de 60 % de la population suisse utilise l’allemand. Le français, l’italien et le romanche – langue rhéto-romane à racines latines – sont les trois autres langues officielles. La traduction française littérale du « Röstigraben » est le « fossé de rösti » – le rösti étant des galettes de pommes de terre, typiques de la Suisse alémanique – mais les Suisses préfèrent parler de « barrière de rösti » ou « rideau de rösti ».
Ce terme ne désigne pas un différend culinaire, mais une barrière culturelle entre la région romande, francophone, et la région alémanique, germanophone. Ces différences culturelles et de mentalités se manifestent en particulier lors des votations fédérales, les Romands ayant la réputation d’être plus ouverts, notamment sur la question européenne, l’immigration ou le rôle de l’État.
Petit pays, grandes entreprises
La Suisse est un petit pays niché au cœur de l’Europe, mais elle ne fait pas partie de l’Union européenne. Elle fait toutefois partie de la zone européenne de libre circulation Schengen. Le PIB par habitant de la Suisse est l’un des plus élevés au monde, le pays arrivant régulièrement en 3e ou 4e place du classement mondial. Très diversifiée, son économie s’appuie sur une puissante industrie pharmaceutique mais aussi sur la fabrication de machines et de montres de luxe ainsi que sur un important secteur bancaire et d’assurances.
Tout sur la Suisse, par iciFortement tournée vers l’exportation, elle profite largement de la mondialisation. Elle abrite sur son sol de nombreuses grandes entreprises comme Nestlé, Roche, Novartis, ABB et Swiss Re et possède l’une des densités de sièges de multinationales les plus élevées au monde, grâce à sa fiscalité avantageuse. De nombreuses entreprises de négoce des matières premières s’y sont implantées à l’instar de Glencore. Google y a aussi installé son centre européen d’ingénierie.
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