Primaire républicaine : Donald Trump absent mais omniprésent lors du premier débat télé
DUEL A DISTANCE•Grand favori pour l’investiture, l’ancien président a snobé un rendez-vous où ses adversaires ont beaucoup parlé de lui et de ses ennuis judiciaires, parfois sous les huéesPhilippe Berry
L'essentiel
- Le premier débat télévisé de la primaire républicaine s’est tenu mercredi soir, à Milwaukee.
- Donald Trump a choisi de faire l’impasse pour ne pas menacer son avance dans les sondages.
- Ses adversaires ont joué les équilibristes en l’attaquant, tout en promettant presque tous, de le soutenir s’il remportait l’investiture mais était condamné par la justice.
De notre correspondant aux Etats-Unis,
C’était, comme le modérateur a ironisé, « l’éléphant absent de la salle ». Mercredi, le premier débat télévisé de la primaire républicaine s’est donc déroulé sans Donald Trump, qui a jugé qu’il n’avait rien à gagner à croiser le fer avec ses adversaires alors qu’il compte plus de 40 points d’avance dans les sondages. L’ancien président a préféré accorder une interview sur X/Twitter à l’ex-animateur de Fox Tucker Carlson pendant que huit candidats tentaient de l’attaquer plus ou moins frontalement sans se mettre à dos la base républicaine.
Hasard du calendrier, ce premier débat, à Milwaukee, où la convention républicaine se tiendra en août 2024, avait lieu 24 heures avant que Donald Trump ne soit formellement placé en état d’arrestation devant la justice de Géorgie, jeudi.
Des soutiens timides et quelques scuds
Qui, parmi les candidats présents sur scène, s’engage à soutenir Donald Trump s’il remportait l’investiture mais était condamné au pénal dans l’un des quatre procès attendus l’an prochain, sur la présidentielle de 2020, les documents classifiés ou l’affaire Stormy Daniels ? Le jeune entrepreneur des biotechs Vivek Ramaswamy, surprenant 3e actuel des sondages, à 7,2 % d’intention de vote, lève immédiatement la main très haut, promettant même de gracier l’ancien président. Cinq autres suivent en hésitant, notamment le gouverneur de Floride Ron DeSantis – longtemps vu comme l’adversaire le plus dangereux de Donald Trump, mais dont la campagne n’arrive pas à décoller – et même, plus surprenant, Mike Pence.
Quelques minutes plus tard, l’ancien vice-président attaque pourtant son ancien boss, qui l’a jeté en pâture à ses supporteurs lors de l’assaut du Capitole. « Personne n’est au-dessus des lois. Les Américains doivent savoir qu’il m’a demandé de rejeter leur vote et de le faire passer avant la Constitution », tonne Pence.
L’ancien gouverneur du New Jersey Chris Christie – qui a été proche de Trump en 2016 – refuse, lui, de lever la main. « Quelqu’un doit arrêter de normaliser cette conduite (…) qui n’est pas digne de la présidence des Etats-Unis », insiste l’ancien procureur, essuyant au passage quelques huées de la salle. Tout comme l’ex-gouverneur de l’Arkansas Asa Hutchinson, qui répète que Donald Trump n’est pas « moralement qualifié » pour être à nouveau président.
Ron DeSantis, lui, concède que Mike Pence « a fait son devoir » constitutionnel en validant le résultat de l’élection, mais refuse de « ressasser » le 6 janvier 2021, préférant regarder « devant vers le 6 janviers 2025 ».
Contre-programmation de Trump avant son arrestation
Cette soirée s’est au final déroulée en écran splitté. Car cinq minutes avant le débat, le visage de Donald Trump est apparu sur X (ex-Twitter). Histoire de troller ses adversaires et surtout Fox News, l’ancien président a accordé une interview – enregistrée il y a plusieurs jours – à Tucker Carlson, l’ex-animateur vedette de la chaîne limogé au printemps.
« J’ai considéré qu’il serait plus approprié de ne pas participer au débat », affirme Trump d’entrée. « Est-ce que je reste là, pendant une heure ou deux (…), à me faire harceler par des personnes qui ne devraient même pas être candidats à la présidentielle ? » Dans son collimateur, Chris Christie, « un sauvage » et un « maniaque », et Asa Hutchinson, « faible et pathétique ».
L’ancien locataire de la Maison Blanche a, sans surprise, dénoncé « l’acharnement judiciaire » dont il se dit victime, avec quatre inculpations « bullshit ». Jeudi, il sera d’ailleurs brièvement placé en état d’arrestation en Géorgie, où il a été inculpé pour avoir tenté d’interférer avec le verdict des urnes en 2020. Cette fois, il devrait être photographié, (le fameux « mugshot ») et pourrait utiliser le cliché pour lever des fonds auprès de ses supporteurs.
L’Amérique, plus divisée que jamais, risque-t-elle de sombrer dans la guerre civile avec des procès qui s’annoncent explosifs ? « Je ne sais pas », répond l’intéressé. « Il y a un niveau de ferveur que je n’ai jamais vu. Il y a un niveau de haine que je n’ai jamais vu, et c’est probablement une mauvaise combinaison. »