Avortement aux Etats-Unis : Le gouvernement fait appel pour garantir l’accès à la pilule abortive
DROITS DES FEMMES•A quelques heures d’intervalle, deux juges américains ont pris des décisions opposées concernant la mifépristone20 Minutes avec agences
Le gouvernement américain a demandé ce lundi à une cour d’appel fédérale de garantir l’accès à la pilule abortive aux Etats-Unis. Cela fait suite à la suspension ce vendredi de l’autorisation de mise sur le marché de la mifépristone (RU 486) dans l’ensemble du pays par un juge fédéral situé au Texas, une victoire pour les opposants à l’avortement.
Les autorités avaient une semaine pour faire appel avant l’entrée en vigueur de cette décision. Dès ce lundi, l’administration de Joe Biden a demandé à une cour d’appel, située à la Nouvelle-Orléans, d’intervenir. Cet « arrêt extraordinaire et sans précédent » doit être « bloqué en attendant l’examen de fond » du dossier, a indiqué le ministère de la Justice.
Un débat sur les risques réels du médicament
Si la cour d’appel se prononce avant ce jeudi midi, cela laissera au ministère le temps de se tourner en urgence vers la Cour suprême des Etats-Unis. Dans son recours, le gouvernement rappelle que plus de 5 millions de femmes ont utilisé la mifépristone, combinée à un autre cachet, depuis son autorisation par l’Agence américaine du médicament (FDA) en 2000.
Quand elle est prise en respectant le mode d’emploi, « les effets secondaires graves sont extrêmement rares », du même ordre que pour un médicament très classique comme l’ibuprofène, plaide le gouvernement. L’administration regrette que le tribunal ait décidé d’en priver les patients « sur la base de sa propre évaluation erronée des risques ».
La porte-parole de la Maison-Blanche a déclaré que cette décision « attaquait l’autorité de la FDA » et risquait « d’ouvrir les vannes de la contestation d’autres médicaments ». Dans une lettre ouverte, les cadres dirigeants de 250 entreprises pharmaceutiques, dont Pfizer et Biogen, ont fustigé cet arrêt qui « crée de l’incertitude pour l’industrie pharmaceutique dans son ensemble » en « ignorant des décennies de preuves scientifiques ».
Bataille juridique
Une coalition d’opposants à l’avortement avait porté plainte en novembre contre la FDA pour contester l’agrément donné à la mifépristone. Elle avait stratégiquement déposé son recours à Amarillo (Texas) où le seul juge fédéral, Matthew Kacsmaryk, a été nommé par Donald Trump après avoir travaillé comme juriste pour une organisation chrétienne ultraconservatrice.
Ce magistrat leur a donné raison ce vendredi. Il a notamment assuré, en dépit du consensus scientifique, que la mifépristone présentait des risques pour la santé des femmes. Il a aussi privilégié le terme « d’humain non né » à celui de « fœtus » et évoqué des « avorteurs » pour parler des structures pratiquant des interruptions de grossesse.
Anticipant sa décision, une coalition d’Etats démocrates avait saisi un autre tribunal fin février 2023 pour tenter de préserver cette pilule qui, prise avec du misoprostol, représente aujourd’hui 53 % des avortements aux Etats-Unis. Moins d’une heure après la décision du juge texan, son confrère Thomas Rice, nommé par Barack Obama et siégeant dans l’Etat de Washington, a estimé que la mifépristone était « sûre et efficace » et a interdit à la FDA de retirer son agrément dans les 17 Etats à l’origine du recours.
Des stocks de mifépristone dans plusieurs Etats
Citant une « forte tension » entre les deux jugements, le gouvernement fédéral a adressé ce lundi « une demande de clarifications » au tribunal de l’Etat de Washington pour savoir comment il devait appliquer sa décision. Sans prendre ces précautions, plusieurs élus de gauche ont appelé Joe Biden à ignorer la décision du Texas et à faire en sorte que la mifépristone reste sur le marché.
En attendant, plusieurs Etats démocrates ont pris les devants en constituant des stocks de pilules abortives. L’Etat de Washington a commandé 30.000 doses de mifépristone, celui de Massachusetts 15.000 doses. En Californie, le gouverneur Gavin Newsom a annoncé avoir constitué un stock de deux millions de cachets de misoprostol.