Comment la Grèce en est-elle arrivée à une telle situation?
ANALYSE•Le gouvernement Papandréou tente de sortir de l'ornière creusée depuis plusieurs années par la corruption et l'évasion fiscale qui plombent l'économie...Bérénice Dubuc
Depuis le mois d’octobre dernier, la Grèce est touchée par une crise économique sans précédent. Avant que les dirigeants de la zone euro ne prennent la décision, vendredi ou samedi, de verser les fonds qui pourraient peut-être remettre le pays à flot, 20minutes.fr revient sur les raisons de ce naufrage.
Mensonge
Tout commence en octobre dernier, lorsque le gouvernement socialiste de George Papandréou, tout juste élu, annonce les chiffres des finances publiques. Contrairement à ce qu’avait annoncé le gouvernement précédent, le déficit public n’est pas de 6% mais de 12,7% du PIB pour 2009. Le chiffre de la dette atteint lui aussi des sommets: il se monte à 113,4% du PIB pour 2009 (soit 300 milliards d’euros).
Les autorités grecques sont soupçonnées d’avoir dissimulé les véritables chiffres des finances publiques depuis l’entrée du pays dans la zone euro en 2001. Après l’annonce de George Papandréou, plusieurs agences de notation sanctionnent la Grèce pour l'ampleur de son déficit budgétaire, en baissant leur notation sur la capacité du pays à rembourser ses dettes.
Un pays plombé par l’économie parallèle
Mais si cette révélation est le point de départ de la méfiance des marchés financiers à l’égard de la Grèce, elle n’est pas la cause de la situation catastrophique du pays aujourd’hui. En effet, l’économie grecque connaissait déjà des difficultés bien avant la crise de 2008, et qui ont été accentuées par cette dernière. Entré en récession fin 2008, le pays a connu au premier trimestre 2009 une baisse des investissements et de la consommation, moteur traditionnel de sa croissance. Les comptes grecs sont également plombés depuis des années par une économie parallèle et une importante évasion fiscale.
Que ce soit dans le public ou dans le privé, clientélisme et corruption sont en effet monnaie courante. Selon les chiffres de Transparency international, en 2009, les Grecs ont versé 790 millions d'euros sous forme de pots-de-vin. En Grèce, l’économie souterraine est estimée à environ 20% du PIB, réduisant ainsi considérablement les recettes fiscales. Champ particulier de cette économie souterraine: le service public grec. Vérolé par une longue tradition de clientélisme politique, des décennies de corruption et de mauvaise gestion, il emploie également le plus grand nombre de salariés, (un quart de la population active est dans la fonction publique, contre 20% en France en 2008), qui sont particulièrement bien lotis: payés sur 14 mois, les fonctionnaires gagnent en moyenne 1.350 euros net (contre 750 euros pour le salaire moyen).
Mesures d’austérité
Le gouvernement de George Papandréou tente aujourd’hui de redresser la barre. L’Union Européenne et le FMI doivent débloquer une enveloppe de 110 milliards d'euros, et, en contrepartie, le pays doit mettre en place des mesures d’austérité pour diminuer ses dépenses et augmenter ses rentrées.
Le Parlement a ainsi adopté une réforme pour lutter contre l'évasion fiscale, et le projet de loi de finances vise à plafonner le déficit public à 8,7% du PIB en 2010, via un sévère plan d’austérité. Ce dernier vise à réduire de 10% les dépenses de l’Etat, et a les fonctionnaires dans son viseur: limitation des primes du secteur public et des dépenses de santé, suppression des bonus dans le secteur bancaire public, ou encore gel des embauches dans le secteur public.
Des Grecs très remontés
Et le fait de tailler dans les dépenses publiques est extrêmement impopulaire, tout comme le passage de 21 à 23% de la TVA, ou l'augmentation de la fiscalité sur l'essence, le tabac et l'alcool, qui toucheront tous les Grecs. Les Grecs sont très remontés contre ces mesures, synonymes de baisse substantielle de leurs revenus, d’autant plus que ces coupes drastiques sont imposées par l’extérieur, des interventions étrangères que les Hellènes apprécient peu.
Cependant, malgré l'aide internationale censée sauver le pays de la déroute financière, les marchés sont toujours sceptiques quant à la capacité de la Grèce à atteindre les objectifs d'assainissement budgétaire auxquels elle s'est engagée. Le «maquillage» des comptes a également accentué leur méfiance. Un mauvais point de plus pour le pays.