Espagne : Les députés adoptent une loi permettant de changer de genre librement dès 16 ans
DEbat•Si le projet de loi est adopté définitivement par le Sénat dans les semaines à venir, il permettra à l'Espagne de rejoindre les quelques pays au monde autorisant l'autodétermination du genre via une simple déclaration administrative.20 Minutes avec AFP
Il a profondément divisé la gauche au pouvoir et le mouvement féministe. Les députés espagnols ont adopté en première lecture un projet de loi sur le changement de genre. Ce texte doit permettre permettre à une personne transgenre, dès 16 ans, de faire changer son nom et son genre sur ses papiers d’identité lors d’un simple rendez-vous auprès de l’administration. Et ce, sans fournir de rapports médicaux ou de preuve d’un traitement hormonal suivi durant deux ans, comme c’est le cas aujourd’hui pour les personnes majeures dans le pays.
S’il est, comme prévu, adopté définitivement par le Sénat dans les semaines à venir, ce projet de loi permettra à l’Espagne de rejoindre les quelques pays au monde autorisant l’autodétermination du genre, via une simple déclaration administrative. En Europe, le Danemark a été le premier pays à accorder ce droit aux personnes transgenres en 2014. Mais le texte a généré des mois de tension au sein de la gauche au pouvoir et du mouvement féministe.
Genre contre sexe biologique
Adopté en Conseil des ministres il y a plus d’un an, ce projet de loi a provoqué une fracture entre le parti de gauche radicale Podemos, qui en a fait un pilier de son action gouvernementale et réclamait une adoption express, et les socialistes, dont ils sont les alliés au sein du gouvernement, qui ont tenté de modifier le texte en vain. Il a aussi profondément divisé le mouvement féministe, entre les partisans d’Irene Montero et des militantes historiques, en guerre ouverte contre ce texte.
« Revendiquer le genre comme étant au-dessus du sexe biologique (…) me semble être un recul » pour les femmes, a ainsi dénoncé l’ancienne numéro deux du gouvernement Sanchez, Carmen Calvo, dans un entretien publié par le quotidien El Mundo en septembre. « L’Etat doit donner une réponse aux personnes transgenres mais le sexe (biologique) n’est ni volontaire, ni optionnel », a-t-elle ajouté, en mettant en avant les risques juridiques induits par cette loi. Ces féministes historiques craignent notamment que des personnes de sexe masculin s’auto-identifiant comme femmes puissent participer à des compétitions sportives féminines ou se faire incarcérer dans des prisons pour femmes par exemple.
Une procédure accompagnée de 12 à 16 ans
« Cette loi répare une dette historique de l’Etat à l’égard des personnes transgenres » et « "dépathologise" (leurs) vies », a déclaré mercredi, devant les députés, la ministre de l’Egalité, Irene Montero, porte-étendard de cette loi. « Les femmes trans sont des femmes », a insisté cette responsable de Podemos, en dénonçant la « transphobie ». Baptisé « loi trans », ce texte permettra aussi aux 14-16 ans de changer librement de genre à l’état civil, à condition qu’ils soient accompagnés dans la procédure par leurs tuteurs légaux. Les 12-14 ans devront eux obtenir le feu vert de la justice.
Actuellement, tous les mineurs doivent obtenir cette autorisation judiciaire. Dans tous les cas, un délai de trois mois est prévu entre le dépôt de la demande et sa validation par le requérant afin qu’il puisse confirmer sa décision de changer de genre. Se faisant l’écho des craintes des féministes, les socialistes ont déposé un amendement afin d’étendre l’obligation d’un feu vert de la justice aux 14-16 ans. Mais celui-ci a finalement été rejeté. Acceptant sa défaite, la formation de Pedro Sanchez a assuré qu’elle voterait le texte en l’état.