Que s’est-il passé en RDC, où au moins 131 civils ont été massacrés ?

RDC : Que s’est-il passé dans l’est du pays, où au moins 131 civils ont été massacrés ?

COMBATSKinshasa et l’ONU accusent le M23, un mouvement rebelle majoritairement tutsi qui a repris les armes après dix ans d’inactivité et a conquis de vastes territoires dans l’est du pays
Charlotte Murat

C.M. avec AFP

L'essentiel

  • Au moins 131 civils ont été tués lors d’un massacre commis les 29 et 30 novembre dans deux villages de l’est de la République démocratique du Congo.
  • Kinshasa et l’ONU accusent le M23, un mouvement de rebelles tutsi qui a repris les armes il y a quelques mois et conquis de vastes territoires dans l’est du pays.
  • 20 Minutes fait le point sur ce massacre de civils, alors que le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme Volker Türk a confié, ce vendredi, être « vraiment horrifié ».

« Vraiment horrifié ». Ce sont les mots du Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk, après le massacre d’au moins 131 civils dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), fin novembre. Une enquête préliminaire de l’ONU accuse la rébellion du M23 d’avoir exécuté arbitrairement par balle ou à l’arme blanche au moins 102 hommes, 17 femmes et 12 enfants. 20 Minutes fait le point sur la situation dans ce pays d’Afrique centrale et pays francophone le plus peuplé.

Que s’est-il passé les 29 et 30 novembre ?

Faute d’enquête indépendante sur le terrain, beaucoup de zones d’ombre subsistent. Mais d’après des témoignages recueillis auprès de rescapés qui ont trouvé refuge dans une base de l’ONU, au moins 131 civils ont été tués à Kishishe et à Bambo, deux villages à une centaine de kilomètres de la frontière avec le Rwanda. De son côté, Kinshasa fait état de plus de 300 civils tués.

Les massacres auraient eu lieu lors de combats entre des milices et les rebelles du M23, qui contrôlent toute cette zone depuis plusieurs mois. Les miliciens, dont des FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda) et des « maï-maï », milices communautaires, ont investi le village de Kishishe pour barrer la route aux rebelles du M23. Selon l’enquête de l’ONU, les civils ont été « exécutés arbitrairement par balles ou à l’aide d’armes blanches » par le M23. Soixante personnes ont été enlevées, « 22 femmes et cinq filles » ont été violées et des pillages ont été commis.

Qu’est-ce que la rébellion M23 ?

Le Mouvement du 23 mars est né en 2012, d’une mutinerie d’anciens rebelles du CNDP (Congrès national pour la défense du peuple) intégrés au sein de l’armée congolaise. Après avoir occupé plusieurs villes de l’est de la RDC, dont la ville de Goma pendant quelques jours, le mouvement, majoritairement tutsi, a été vaincu en 2013 par l’armée congolaise et les Casques bleus.

Reprochant au pouvoir de Kinshasa de ne pas avoir respecté un accord sur la réinsertion de ses combattants, le M23 a repris les armes fin 2021, ce qui a provoqué une nouvelle crise entre la RDC et le Rwanda. La RDC, tout comme l’ONU, accuse en effet l’armée rwandaise de soutenir le M23 et de combattre à ses côtés. Ce que Kigali dément, accusant en retour l’armée de RDC de complicité avec les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un mouvement hutu constitué par certains auteurs du génocide des Tutsis en 1994 au Rwanda.



Ces dernières semaines, le M23 a remporté une série de victoires et augmenté spectaculairement le territoire qu’il contrôle dans la province du Nord-Kivu. Il est à une vingtaine de kilomètres de Goma, la capitale provinciale, et gagne aussi du terrain vers l’ouest en direction du Masisi. En sous-effectif, mal équipée, minée par des luttes internes, l’armée congolaise peine à stopper, jusqu’à présent, l’avancée des rebelles. Selon l’ONU, les récents combats ont provoqué le déplacement d’au moins 188.000 personnes.

Quelles initiatives ont été mises en place pour mettre fin aux combats ?

Le massacre de Kishishe et de Bambo est intervenu alors que le M23 s’était engagé à se retirer des zones occupées après un sommet organisé à Luanda (Angola), à l’initiative de l’EAC (Communauté de l’Afrique de l’Est). Les sept pays membres (Burundi, Kenya, Ouganda, RDC, Rwanda, Soudan du Sud, Tanzanie) ont décidé en juin de l’envoi d’une force régionale, qui a commencé à se déployer. Il avait été convenu à Luanda un cessez-le-feu le 25 novembre au soir, suivi deux jours plus tard d’un retrait du M23 des zones conquises. Faute de quoi, la force régionale est-africaine interviendrait pour déloger les rebelles. Le M23 s’était dit « prêt à commencer à se désengager et se retirer », mais aucun retrait n’a été observé jusqu’à présent.


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Comme l’ONU, la France s’est dite « horrifiée » par les massacres et a appelé jeudi « tous les groupes armés à cesser immédiatement les combats et à s’engager sans délai dans le processus de désarmement ». « Ces actes ne peuvent rester impunis. Nous saluons la volonté des autorités congolaises de punir leurs auteurs en justice », a précisé la porte-parole du Quai d’Orsay, Anne-Claire Legendre.

En RDC, le président Tshisekedi appelle la population à un sursaut patriotique face au M23 et a demandé aux jeunes de s’enrôler massivement dans l’armée. Des milliers ont répondu à l’appel et doivent maintenant être formés dans les règles de l’art. Selon Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement, pour que ces jeunes soient « prêts à aller au front », il faut « six à neuf mois de préparation ».