Iran : Tollé après l'exécution d’un homme participant aux manifestations
Peine de mort•Mohsen Shekari était accusé d’avoir poignardé un paramilitaire lors d’une manifestation le 25 septembre20 Minutes avec AFP
L’apaisement n’aura pas duré. Malgré le geste en faveur du mouvement de manifestations en Iran, avec la suppression de la police des mœurs, Téhéran a exécuté un homme pour la première fois depuis le début du mouvement ce jeudi. « Mohsen Shekari, un émeutier qui avait bloqué le 25 septembre le boulevard Sattar Khan et poignardé avec une machette un Bassidj (un paramilitaire), a été exécuté jeudi matin à Téhéran », indique Mizan Online, l’organe du pouvoir judiciaire. Jeudi soir, Berlin a convoqué l'ambassadeur d'Iran pour des explications.
Au total, onze personnes risquent le même sort pour leur participation aux manifestations. L’Iran est le théâtre d’un mouvement de contestation déclenché par la mort le 16 septembre de Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans décédée trois jours après son arrestation par la police des mœurs pour infraction au code vestimentaire strict de la République islamique imposant notamment le port du voile pour les femmes. Selon l’agence du pouvoir judiciaire, Mohsen Shekari avait été accusé d’être un « ennemi de Dieu » et condamné par le tribunal révolutionnaire de Téhéran le 1er novembre. Son appel a été rejeté par la Cour suprême le 20 novembre rendant la peine exécutoire.
Payé pour frapper
L’autorité judiciaire précise que Mohsen Shekari a été reconnu coupable d’avoir dégainé « son arme avec l’intention de tuer, de provoquer la terreur et de troubler l’ordre et la sécurité de la société ». « Il a intentionnellement blessé un Bassidj à l’arme blanche, qui a nécessité 13 points de suture alors qu’il accomplissant son devoir, et a bloqué la rue Sattar Khan à Téhéran », ajoute l’agence. Selon Mizan, « Shekari a ensuite tenté de fuir mais a été arrêté par les forces de l’ordre. »
Dans ses aveux, Mohsen Shekari a déclaré selon l’organe de l’autorité judiciaire : « Après mon travail dans le quartier de Narmak (est de Téhéran), je me suis rendu avec Ali (son complice) en moto dans le quartier de Sattar Khan (ouest) et nous avons fermé l’intersection aux automobiles ». « Ali m’a donné une machette et m’a dit si tu frappes un agent de sécurité, je te paierai bien », a-t-il ajouté. Le tribunal n’a pas précisé si Ali a été arrêté.
Le Bassidj blessé a raconté avoir vu à l’intersection « deux hommes de grande taille qui essayaient de bloquer la rue, et l’un d’eux tenait une machette à la main contraignant les automobilistes bloqués de scander des slogans » contre les autorités. « Je suis descendu de la moto et je suis allé voir l’accusé. Lorsque je lui ai demandé ce qu’il faisait, il m’a attaqué et blessé à l’épaule », a dit ce membre de la milice des Bassidji liée aux Gardiens de la révolution, l’armée idéologique de la République islamique.
Mardi, la justice iranienne avait prononcé la peine capitale à l’encontre de cinq personnes pour avoir tué un paramilitaire lors des manifestations, portant à onze le nombre de condamnations à mort. Plus de 2.000 personnes ont été inculpées, dont la moitié à Téhéran, depuis le début de la contestation, selon les chiffres officiels de la justice iranienne.
« Une escalade sinistre », dit Washington
Mahmood Amiry-Moghaddam, directeur du groupe Iran Human Rights (IHR) basé à Oslo, a appelé à une forte réaction internationale, sinon « nous ferons face à des exécutions massives de manifestants ». « Mohsen Shekari a été exécuté à l’issue d’un procès expéditif sans avocat. »
L’exécution a aussi suscité l’indignation de pays occidentaux et de l’ONU. Les Etats-Unis ont dénoncé une « escalade sinistre » et affirmé que le pouvoir iranien aurait à rendre des comptes. Berlin a estimé que « le mépris du régime iranien pour l’humanité est sans limite », Londres s’est dit « scandalisé » et Rome a jugé que la « répression inacceptable de la part des autorités iraniennes ne peut laisser indifférente la communauté internationale ». Le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme a jugé que la peine de mort était « incompatible avec les droits de l’homme ».
À lire aussi