Emmanuel Macron aux Etats-Unis : « Une visite d'Etat monopolise plusieurs centaines de personnes sur des semaines »
INTERVIEW•Ancienne responsable presse de « l’advance team » de l’administration Obama, Johanna Maska détaille pour « 20 Minutes » les dessous d’une visite d’EtatPropos recueillis par Philippe Berry
L'essentiel
- Emmanuel Macron s’envole cette semaine, où il va être reçu en visite d’Etat par le président américain, Joe Biden.
- C’est la deuxième fois que le président français a droit à de tels égards de la part de Washington, après avoir été reçu par Donald Trump lors de son mandat.
- Johanna Maska, ancienne responsable presse de l’administration Obama, explique à 20 Minutes comment sont préparés de tel rendez-vous.
Après Donald Trump, Joe Biden. Pour la seconde fois, Emmanuel Macron aura droit au tapis rouge à Washington, avec une visite d’Etat de trois jours qui démarre ce mercredi. Comment un tel rendez-vous est-il préparé ? Quels sont les enjeux ? 20 Minutes s’est entretenu avec Johanna Maska, ancienne responsable presse de l'« advance » team de l’administration Obama – l’équipe qui prépare en amont les déplacements et les événements auxquels participe le locataire de la Maison Blanche.
Combien de personnes travaillent sur les préparatifs d’une visite d’Etat ?
Il s’agit d’une étroite collaboration entre les services de la Maison Blanche, avec le secrétaire social, le bureau de la Première dame, qui joue un rôle majeur, et le chef du protocole du département d’Etat. Si on compte le bureau militaire de la Maison Blanche et toute la technique avec les caméras, le son, les repas…, on arrive à plusieurs centaines de personnes, et des préparatifs de plusieurs semaines.
Quel est le but d’une visite d’Etat ? Pourquoi Emmanuel Macron a-t-il été le premier invité de Donald Trump, et celui de Joe Biden ?
Une visite d’Etat est un honneur qui n’est pas que protocolaire. Il faut avoir une raison géopolitique, avec un message que l’on souhaite faire passer chez soi, mais aussi sur la scène internationale. En recevant Emmanuel Macron, Joe Biden veut mettre en avant la relation spéciale avec la France, la plus vieille alliée des États-Unis, et leur unité absolue sur le soutien à l’Ukraine face à Moscou.
La lutte contre le changement climatique est également vue comme critique par l’administration Biden, mais il y a aux Etats-Unis un débat sur le rôle des gouvernements, les Américains restant principalement préoccupés par le prix de l’énergie. Cette visite intervient juste après le sommet du G20 et celui de l’Otan de cet été. Réaffirmer que le but de ces alliances est d’assurer la paix et la prospérité pour les futures générations est plus important que jamais.
Quels sont les challenges d’une visite bilingue ? Les questions des journalistes étrangers sont-elles moins prévisibles ?
Les Etats-Unis et la France défendent tous les deux la liberté de la presse. Contrairement à des régimes autoritaires, il n’y a pas de contrôle sur ce que peuvent demander les journalistes. La principale limite est la place. L’intérieur de la Maison Blanche a l’air beaucoup plus grand à la télé qu’en vrai. Il faut se mettre d’accord sur combien de journalistes sont autorisés à rentrer dans une pièce. Et les conférences bilingues ralentissent le rythme. Il faut donner le temps à l’interprète de traduire, mais les présidents y sont habitués avec tous les sommets internationaux.
Malgré les préparations, y a-t-il parfois des imprévus ?
Le sommet de l’Otan d’avril 2009 était le premier déplacement en Europe de Barack Obama. Nicolas Sarkozy l’avait accueilli à Strasbourg avec un entourage de 500 personnes, ce qui n’était pas prévu. On avait dû courir avec les journalistes pour ne pas rater l’entrevue entre Michelle Obama et Carla Bruni.
Puis la délégation américaine était arrivée très en retard à Baden-Baden (Allemagne) pour rencontrer Angela Merkel, qui était, elle, évidemment à l’heure. Elle n’était pas contente. Dans ces moments-là, il faut se montrer gracieux. Vos amis ne cherchent pas à vous embarrasser, mais il peut y avoir des surprises.
Quelle est la demande la plus surprenante que vous ayez reçue ?
Silvio Berlusconi voulait paraître plus grand. La délégation italienne a donc demandé si Obama pouvait se tenir debout sur une petite boîte, et Berlusconi sur une plus haute pour que leur différence de taille soit moins visible. C’était ridicule. La presse aurait vu la différence de taille entre les boîtes. On a refusé.
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