Midterms 2022 : Droit à l’avortement, inflation… Qui sera le juge de paix des midterms ?
« MIDTERMS MONDAY »•Retrouvez tous les lundis notre couverture des élections de la mi-mandat du 8 novembrePhilippe Berry
L'essentiel
- Chaque lundi, 20 Minutes explore l’actualité et les enjeux des élections américaines de la mi-mandat, le 8 novembre prochain.
- A la fin de l’été, les démocrates semblaient avoir le vent en poupe, galvanisés par le combat pour défendre le droit à l’avortement.
- Mais l’économie et l’inflation, qui restent la préoccupation numéro 1 des Américains, pourraient porter les républicains dans le money time.
Edit du 8 novembre 2022 : Les Américains sont appelés aux urnes. Ils doivent notamment renouveler une partie du Congrès dans le cadre des élections de mi-mandat de la présidence Joe Biden. Un scrutin à très haut risque pour le pouvoir démocrate. C'est pourquoi, nous vous proposons la relecture de cet article.
De notre correspondant aux Etats-Unis,
Pour Joe Biden, les midterms risquent d’arriver un mois trop tard. Mobilisés par le combat pour défendre le droit à l’avortement, les démocrates se prenaient à rêver à la fin de l’été, avec une victoire probable au Sénat et une défaite à la Chambre loin d’être inéluctable. Mais à deux semaines des élections de la mi-mandat, les vents semblent tourner en faveur des républicains.
L’économie reste de loin la préoccupation numéro 1 des Américains, et la fièvre de l’inflation refuse de baisser. A tel point que Bernie Sanders a sonné l’alarme récemment dans un édito publié par le Guardian. « Les démocrates ne doivent pas seulement se concentrer sur l’avortement, ça serait une erreur. Ils doivent gagner sur l’économie et présenter un programme pro-travailleur », avertit l’ancien candidat à la présidentielle.
Les républicains sur la défensive
Fin juin, la décision de la Cour suprême, qui est revenue sur l’arrêt Roe v. Wade, laissant désormais chaque Etat libre d’autoriser ou d’interdire l’IVG, a fait figure d’électrochoc pour les démocrates. Joe Biden a mobilisé ses troupes, promettant une loi pour protéger l’avortement en cas de victoire aux midterms à la Chambre et par une marge suffisante au Sénat pour contourner l’obstruction. Dans la foulée, le Kansas, un Etat loin d’être libéral, a largement rejeté un amendement qui voulait supprimer la garantie constitutionnelle du droit à l’avortement.
En revenant sur Roe v. Wade, la Cour suprême, qui compte six juges conservateurs sur neuf, dont trois nommés par Donald Trump, est allée contre l’opinion. Selon le baromètre de Gallup, 85 % des Américains estiment que l’avortement devrait être légal, au moins dans certaines circonstances. Seulement 13 % se déclarent favorables à une interdiction totale.
Tout l’été, les républicains se sont donc retrouvés sur la défensive. De nombreux candidats, comme Blake Masters (Sénat, Arizona) ou Tom Barrett (Chambre, Michigan), ont effacé de leur site de campagne toute référence à une interdiction absolue, adoucissant publiquement leur position. Les démocrates, eux, ont bombardé les ondes – radio, télé et Internet – de clips attaquant les républicains. Selon l’entreprise AdImpact, ils ont dépensé 73 millions de dollars – un tiers de leur budget – rien que sur l’avortement en septembre.
Cette offensive – et une série de succès législatifs, avec un gigantesque volet de dépenses adopté pour la santé et le climat mi-août – a permis aux démocrates d’inverser la donne au Sénat. Début juin, le modèle du site FiveThirtyEight, basé sur les sondages, leur donnait 40 % de chance d’être majoritaires, contre 72 % fin septembre. A la Chambre, ils sont passés d’une chance sur huit à une sur trois. Avec une vingtaine de scrutins très serrés sur 435, une victoire semblait même possible en cas de forte participation.
« L’avortement est une arme particulièrement efficace pour mobiliser les jeunes femmes qui ne votent souvent pas lors des midterms et pour séduire les swing voters de sexe féminin (électrices votant alternativement pour un parti ou pour l’autre) », analyse le stratège démocrate Mike Lux, qui a participé à la campagne de Bill Clinton en 1992.
Les républicains portés par l’économie et l’inflation
La vague démocrate semble toutefois s’essouffler. La Chambre s’éloigne et le Sénat se resserre. Selon le baromètre mensuel du New York Times, 49 % des sondés disent avoir l’intention de voter républicain le 8 novembre, contre 45 % démocrate. Soit une progression de cinq points pour les conservateurs en un mois. Dans le même temps, les Américains sont davantage pessimistes sur l’avenir. L’économie (emploi et plongeon des marchés financiers, qui impacte l’épargne retraite) est leur premier sujet d’inquiétude (26 %), devant l’inflation et le coût de la vie (18 %). L’avortement arrive loin derrière (5 %), à égalité avec l’immigration. Et l’impopularité de Joe Biden, qui plafonne à 42 %, n’arrange rien.
Bernie Sanders n’est d’ailleurs pas le seul à avoir tapé du poing sur la table. « Si on se fait massacrer sur le coût de la vie et l’insécurité, crier ''avortement'' toutes les deux minutes n’est pas suffisant », insiste l’ancien directeur de campagne de Bill Clinton James Carville dans une interview à l’agence AP.
« De nombreux candidats parlent d’économie et de leurs solutions pour combattre l’inflation, comme John Fetterman et Tim Ryan » en Pennsylvanie et dans l’Ohio, tempère Mike Lux. Mais les démocrates doivent « faire plus », reconnaît-il, notamment pour séduire un électorat latino toujours plus important, particulièrement préoccupé par l’économie et davantage conservateur sur les questions sociétales comme l’avortement. Deux Hispaniques sur trois votent en général démocrate, mais Donald Trump a réussi une percée en 2020, notamment en Floride et au Texas. Et dans les scrutins les plus serrés en Californie et en Arizona, c’est bien le vote latino qui pourrait être le véritable juge de paix.
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