LEGISLATIVESLa Suède est-elle en train de basculer vers l'extrême droite ?

Suède : Historiquement à gauche, le pays bascule-t-il vers l'extrême droite ?

LEGISLATIVESLe vainqueur des élections législatives en Suède sera connu ce mercredi, avec la droite et l'extrême droite en position de conquérir le pouvoir pour la première fois ensemble
Camille Poher

Camille Poher

L'essentiel

  • La Suède a entamé ce lundi une attente de trois jours pour désigner le camp vainqueur de ses élections législatives archiserrées.
  • Fondé par d’anciens fascistes, en 1988, c’est le parti Démocrates de Suède (SD) qui s’est placé sur la deuxième marche du podium, juste derrière les sociaux-démocrates. Longtemps considéré comme un paria, ce parti dirigé par le politique ouvertement anti-immigration Jimmie Akesson, semble conquérir doucement le pouvoir.
  • Comment la Suède, historiquement à gauche, a-t-elle pu glisser à droite, voire à l’extrême droite ? Réponse avec Cyril Coulet, spécialiste des pays nordiques et ancien chercheur à l’Institut suédois de relations internationales.

Les Suédois et les Suédoises ont fait, ce dimanche, entendre leur voix à l’occasion des élections législatives. Selon les premiers résultats à la sortie des urnes, qui seront définitivement confirmés ce mercredi, la droite dure, ici incarnée par les Démocrates de Suède (DS), pourrait prendre une place inédite dans l’échiquier politique suédois. Sur la base des voix dépouillées lundi après-midi portant sur près de 95 % des bureaux de vote, le parti anti-immigration en rassemblerait 20,6 %. Finalement, le bloc de droite (SD, Modérés, chrétiens-démocrates et libéraux) obtiendrait, lui, 49,7 % des suffrages et le bloc de gauche (sociaux-démocrates, parti de Gauche, Verts et parti du Centre) en réunirait 48,8 %.

Mais quelle mouche (nationaliste) a piqué les Suédois ? Qu’est-ce que ce DS, Rassemblement national à la sauce nordique ? Et quand la Suède, jusqu’ici enviée pour son modèle socio-économique de gauche, a-t-elle basculé à droite, voire à l’extrême droite ? 20 Minutes fait le point sur cette bascule politique, loin d’être anecdotique puisqu’elle semble essaimer dans toute la Scandinavie.

Qu’est-ce que parti Démocrates de Suède ?

« A l’origine, le parti Démocrates de Suède est une formation populiste de droite, issue d’un mouvement d’extrême droite fondé en 1988 », rappelle à 20 Minutes Cyril Coulet, spécialiste des pays nordiques et ancien chercheur à l’Institut suédois de relations internationales. Aux origines, le parti Démocrates de Suède (DS) se nommait le « Bevara Sverige Svenskt » (comprenez « gardons la Suède suédoise » ) et comptait de nombreux militants néonazis en son sein. Cependant, « le DS est resté en marge de la politique suédoise dans les années 1970, 1980 et 1990, détaille Cyril Coulet. C’est dans les années 2000, avec l’accession à sa tête de Jimmie Åkesson, 43 ans, que le parti va débuter sa normalisation dans l’échiquier politique. »

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Aujourd’hui, avec un score provisoire de 20,7 %, impossible d’ignorer cette star des scrutins suédois. Mais que revendique-t-il ? Dénonciation de l'immigration, euroscepticisme et promotion de l’état social, « le parti a des thématiques tout à fait classiques dans son genre ». Sur le plan idéologique, Jimmie Åkesson son leadeur depuis 2005, dénonce ouvertement le multiculturalisme et promeut sans détour les « Suédois de souche ».

Pourquoi la percée d’un parti nationaliste est-elle historique en Suède ?

« Le parti démocrate suédois est en progression continue depuis 2010, confie l’ancien chercheur à l’institut suédois de relations internationales. Bien qu’en marge avant cela, il atteint aujourd’hui des strates importantes du pouvoir suédois. » Plus qu’important, le parti Démocrates de Suède n’est ni plus ni moins que la deuxième force politique du pays. Le parti ultra-conservateur peut, à ce titre, prétendre à une coalition avec la droite traditionnelle du pays « et ça c’est historique », affirme Cyril Coulet. A ce jour, le DS a tellement de députés en place qu’il ne peut vraisemblablement pas être exclu du paysage politique. « Et ça aussi c’est historique, dans un pays plutôt ancré à gauche », renchérit l’expert.

Dans un pays qui s’embrase de plus en plus sur la question de la sécurité intérieure, des banlieues, de l'islamophobie galopante et plus généralement de l’immigration, « la promesse d’un Etat providence permettant aux individus de s’affranchir de leurs communautés, fait de plus en plus d’adeptes ». Ce qui expliquerait comment le parti serait passé de 4 % des voix en 2010 à plus de 20 % en 2022.

Ainsi, si les scores se confirmaient ce mercredi, la gauche quitterait le pouvoir après huit ans aux manettes. Et avec un score provisoire de 20,6 %, le DS signerait un nouveau record et deviendrait le premier parti des droites mais aussi le deuxième parti de Suède. Et « ça sent bigrement bon », a lancé dimanche Jimmie Åkesson devant ses troupes en fusion à son QG de campagne.

Cette montée de l’extrême droite est-elle commune à tous les pays nordiques ?

« Complètement, répond sans détour le spécialiste des pays nordiques. La Suède a jusqu’ici fait office d’exception dans un paysage nordique tout de même bien ancré à droite. » Depuis 2010, la Finlande et la Norvège voient débarquer au premier plan des partis conservateurs ou populistes : le Parti des Finlandais à tendance populiste et nationaliste ou encore le Parti du progrès (Norvège), libertarien et conservateur.

Rappelons tout de même qu’en avril dernier, une série d’émeutes violentes était presque passée sous les radars. La Suède avait été le théâtre de violentes confrontations entre les forces de l’ordre et des émeutiers. La raison ? Les manifestants protestaient contre un rassemblement du groupuscule anti-immigration et anti-islam baptisé « Ligne dure » [«Stram Kurs »], dirigé par le Dano-Suédois Rasmus Paludan. Ce dernier prévoyait de commencer ce jeudi une « tournée » en Suède, ciblant les quartiers à forte population musulmane pour y brûler le Coran.


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Reste que dimanche, le dernier bastion, celui des urnes, aurait été conquis ? « Avec les élections législatives, une nouvelle étape a été franchie en Suède, abonde Cyril Coulet. En Suède certes, mais aussi comme dans l’ensemble des pays nordiques. »