Non, les grands-parents du chancelier allemand et de deux de ses ministres n’étaient pas nazis
FAKE OFF•Des publications récentes, propagées sur les réseaux sociaux par l’oligarque russe Evgueni Prigojine, dévoilent que le chancelier allemand Olaf Scholz, le ministre des finances Christian Lindner et le ministre de la santé Karl Lauterbach, auraient eu des grands-parents nazisHélène Joly
L'essentiel
- Sur les réseaux sociaux Telegram, Twitter et Facebook, des publications évoquent les grands-parents nazis de certains membres du gouvernement allemand, dont le chancelier Olaf Scholz.
- Après vérification de la généalogie des membres cités, ces révélations sont sans conteste fausses.
- Elles sont apparues en représailles des déclarations d’Olaf Scholz, qualifiant de « ridicules » les accusations de Vladimir Poutine sur un prétendu « génocide » perpétré contre les civils des territoires ukrainiens prorusses du Donbass.
Selon des montages photos viraux, Olaf Scholz, le chancelier allemand et deux de ses ministres, Christian Lindner et Karl Lauterbach, respectivement ministre des finances et ministre de la santé, seraient des petits-enfants de nazis.
Ces informations circulent depuis quelque temps sur Telegram, Twitter et Facebook avec un photomontage (photo) associant à chaque personnalité politique une photo de son ancêtre, en noir et blanc. Ainsi, le grand-père d’Olaf Scholz aurait été Fritz von Scholz, un haut gradé de la Waffen-SS. Celui de Christian Lindner s’appellerait Gerhard Lindner, un officier de l’armée allemande et, quant au grand-père de Karl Lauterbach, il s’agirait d’Hartmann Lauterbacher, haut responsable dans les jeunesses hitlériennes.
Sur ce montage apparaît même l’ancien président du Conseil européen, le polonais Donald Tusk, dont le grand-père, Josef Tusk aurait été membre du service de sécurité Reichsführer SS.
FAKE OFF
Ces généalogies douteuses et calomnieuses ont été depuis démenties par les porte-paroles du gouvernement allemand qui les ont qualifiées de « totalement absurdes » et « stupides ».
Selon l’agence de presse allemande DPA, Fritz von Scholz, dont la photo est associée à celle d’Olaf Scholz, serait un officier austro-hongrois, ayant rejoint les SS en 1933 et qui n’aurait pas eu de descendance. Olaf Scholz ne peut donc être son petit-fils. En réalité, ses grands-parents étaient fonctionnaires des chemins de fer, à Hambourg, selon les archives biographiques Munziger.
En ce qui concerne la généalogie du ministre de l’économie, Christian Lindner, une publication sur Telegram déclare que son grand-père serait Gerhard Lindner, officier SS et mort dans une petite ville de l’extrême nord-est de l’Allemagne. En réalité, les grands-parents de Christian Lindner, selon DW.com (Deutsche Welle), étaient originaires de Wuppertal, dans l’ouest de l’Allemagne et étaient boulangers. D’ailleurs, Christian Lindner raconte dans son autobiographie y avoir passé beaucoup de temps, enfant.
Pour Karl Lauterbach, le ministre de la santé, il est encore plus facile d’infirmer cette révélation. Tout simplement parce que son soi-disant grand-père, Hartmann Lauterbacher, ne porte pas le même nom de famille (qui se termine par « er »). Ce dirigeant des jeunesses hitlériennes, n’a donc aucun lien de parenté avec l’actuel homme politique.
Des diffamations mitonnées par « le cuisinier » de Poutine
Cette fake news a été alimentée par Evgueni Prigojine, un oligarque russe, surnommé le « cuisinier » de Poutine. Il est étroitement lié au président russe et occupe un poste clé dans la désinformation organisée par le Kremlin. Il est notamment le fondateur de l’Internet Research Agency, une organisation de diffusion de propagande sur le Web et déjà impliquée dans de nombreuses campagnes de déstabilisation. En 2016, les États-Unis avaient déjà inculpé son agence, qualifiée d’usine à trolls pour son infiltration dans les élections. Son agence a subi des sanctions en 2018.
Ancien escroc, ayant passé neuf ans derrière les barreaux dans les années 1980, Evgueni Prigojine s’est lancé, à sa sortie de prison, dans la restauration haut de gamme. Poutine le sollicite régulièrement pour organiser ses fêtes privées ainsi que des dîners avec des dirigeants en visite. En 2001, il était d’ailleurs aux manettes de l’organisation du banquet réunissant Poutine et le président Jacques Chirac. C’est pour cela que cet oligarque a été surnommé le cuisinier de Poutine.
La vengeance, un plat qui se mange froid
Pour comprendre la genèse des motivations de ce montage diffamatoire, il faut remonter au 19 février dernier. Le chancelier Olaf Scholz avait qualifié de « ridicules » les accusations du président russe Vladimir Poutine concernant un « génocide » perpétré par l’armée ukrainienne contre les civils prorusses des territoires ukrainiens séparatistes, a rapporté le média allemand T-Online. « Il avance que dans le Donbass il y a une forme de génocide, ce qui est vraiment, pour être très clair sur ce point, ridicule, mais c’est son récit », a déclaré à Munich Olaf Scholz.
Le département d’État américain avait déjà condamné l’emploi du terme « génocide » contre les civils dans ces territoires russophones de l’est de l’Ukraine.
Cet argument avait servi de prétexte à Poutine pour justifier le déclenchement de la guerre en Ukraine.