CENSUREUne femme de 72 ans arrêtée pour une blague sur Nicolas Maduro au Venezuela

Venezuela : Une femme de 72 ans arrêtée pour avoir fait une blague sur Nicolas Maduro

CENSUREOlga Mata, une Vénézuélienne de 72 ans, est poursuivie pour « incitation à la haine » après une blague sur Nicolas Maduro diffusée sur TikTok
20 Minutes avec agences

20 Minutes avec agences

Une blague politique peut coûter cher au Venezuela. Une septuagénaire poursuivie pour « incitation à la haine » l’a appris à ses dépens après avoir baptisé un plat traditionnel appelé « veuve » du nom de l’épouse du président Nicolas Maduro.

Olga Mata, 72 ans, a en effet publié sur TikTok une vidéo où elle donne des noms de politiciens à ses arepas, galettes de maïs qui constituent le plat national vénézuélien. « J’ai la veuve », décrit notamment la cuisinière en référence au nom que donnent les Vénézuéliens aux arepas nature, sans aucune garniture. « C’est la Cilia Flores », ajoute-t-elle dans la vidéo, en citant le nom de l’épouse du chef de l’Etat. Une voix lui répond alors que Cilia n’est justement pas veuve. La septuagénaire répond alors : « Bon… mais c’est ce qu’on veut tous ».

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Une loi contre l’incitation à la haine mise en cause

Le procureur général Tarek William Saab a annoncé des poursuites et l’arrestation du fils de la cuisinière pour « incitation à l’assassinat de personnalité publique ». Lundi, Olga Mata a été inculpée. Elle a ensuite demandé pardon dans une vidéo. Elle bénéficie d’une liberté conditionnelle et son fils a été libéré sans poursuites. « La dame qui, via son réseau social, a appelé à tuer le président (…) s’est excusée publiquement », s’est félicité le procureur.

L’ONG de défense de la liberté d’expression Espacio Publico (Espace public) conteste l’application dans ce cas, comme dans de nombreux autres, d’une loi contre l’incitation à la haine adoptée en 2017 par l’Assemblée constituante (pro-pouvoir) et qui prévoit des peines allant jusqu’à 20 ans de prison. « La loi n’est pas là pour dire si une blague est de bon ou de mauvais goût », estime Carlos Correa, le directeur d’Espacio Publico.

Plusieurs arrestations dénoncées

Le 31 mars 2021, la journaliste Milagros Mata et le poète Juan Muñoz ont été arrêtés dans l’Etat d’Anzoategui (est) pour « incitation à la haine » après avoir publié sur Facebook « Noces mortelles », un texte satirique sur une somptueuse fête de mariage en pleine pandémie de Covid-19, à laquelle le procureur Tarek William Saab aurait assisté.

Tous deux ont été libérés un jour plus tard mais doivent se présenter régulièrement au tribunal. « C’est comme si nous étions des prisonniers, même si nous ne sommes pas dans un donjon », a estimé après sa libération Milagros Mata sur le site La Gran Aldea.

Deux pompiers, Ricardo Prieto et Carlos Varon, ont eux été détenus pendant 48 jours en 2018 pour une vidéo virale les montrant en train de promener un âne qu'ils appelaient «président Maduro» dans l’Etat de Mérida (ouest). Ils sont encore sous contrôle judiciaire.

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Au Venezuela, une tradition humoristique en péril

« La définition des délits est vague et imprécise et les sanctions sont disproportionnées », s’insurge Carlos Correa, qui rappelle que la loi a été utilisée 17 fois en 2021. « Cela vous conduit à être inhibé non seulement pour faire une blague, mais aussi pour parler de sujets d’intérêt public, comme la dénonciation de la corruption », assure-t-il.

Le Venezuela, qui a une longue tradition humoristique, a vu quasiment disparaître l’humour politique à la télévision et dans la presse. La télévision d’Etat, elle, diffuse un dessin animé de propagande humoristique, « Super Moustache », avec un Nicolas Maduro en super-héros affrontant la Maison-Blanche et les dirigeants de l’opposition.

« Les dictatures n’ont pas d’humour »

Rayma Suprami et Eduardo « Edo » Sanabria, deux dessinateurs de presse vénézuéliens vivant aujourd’hui aux Etats-Unis, rappellent cependant que cette censure existait avant la loi de 2017. Une caricature avec la signature de feu président Hugo Chavez sur un électrocardiogramme plat, une satire de la crise sanitaire dans le pays, a conduit au licenciement de Rayma Suprami du journal El Universal, où elle a travaillé pendant 19 ans.

« Les dictatures n’ont pas d’humour, elles ne peuvent pas s’entendre avec l’humour et ce qu’il représente, le reflet de ce que pensent les gens ordinaires », explique la dessinatrice à l’AFP. « J’ai été accusée d’inciter à la haine, au meurtre et au terrorisme », se souvient-elle. « On ne peut pas se moquer du pouvoir », renchérit Edo, « s’ils ont envie de te mettre en prison, ils le font ».