GUERRE EN UKRAINEA Lyon, les ex-casques bleus s'organisent pour aider les civils bombardés

Guerre en Ukraine : Depuis Lyon, les anciens casques bleus s’organisent pour aider les civils bombardés

GUERRE EN UKRAINEL'association internationale des soldats de la Paix, qui regroupe 100.000 anciens casques bleus, s'apprête à envoyer des convois humanitaires en Ukraine. Une action d'envergure pilotée de Lyon
Caroline Girardon

Caroline Girardon

L'essentiel

  • Fondée en 1988 à Lyon, l’association internationale des soldats de la Paix regroupe 100.000 anciens casques bleus dans le monde entier.
  • L’ONG s’apprête à envoyer ses premiers convois humanitaires en Ukraine, en s’appuyant sur ses antennes européennes.
  • Reportage à quelques jours du départ dans les coulisses de la « centrale » lyonnaise.

Dans les sous-sols des bureaux, une « popote » aux allures de salon oriental. C’est là que Laurent Attar-Bayrou aime venir se détendre, comme il le faisait lorsqu’il était soldat au Liban. Mais en ce moment, les « journées sont intenses ». Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, l’homme ne chôme pas. A la tête de l’AISP, association internationale des soldats de la Paix qu’il a fondée à Lyon en 1988, le militaire pilote un immense réseau : 100.000 anciens casques bleus répartis dans une vingtaine de pays. Une force d’action énorme.

La prochaine mission de l’ONG sera de faire partir plusieurs convois humanitaires afin de venir en aide aux civils bombardés, qui vivent à Kharkiv. « On a mobilisé toutes nos antennes européennes pour agir collectivement », précise Laurent Attar-Bayrou, véritable chef d’orchestre de l’opération. Et d’ajouter : « Nous allons essayer d’être un pont entre les populations des deux pays. Le but est vraiment d’aller au plus près de ceux qui souffrent. Pour le reste, on laisse les diplomates et les politiques régler cela autour d’une table ».

Produits de premières nécessité et kits chirurgicaux

D’ici quelques semaines, plusieurs camions 38 tonnes, conduits par les membres de l’association, partiront de Lyon pour apporter aux sinistrés des produits de première nécessité, des sacs de couchage, des couvertures, des lampes torches, de la nourriture séchée, des produits d’hygiène destinés aux enfants et quelques vêtements. Mais aussi des kits de chirurgie, du matériel médical, des pansements et des médicaments. Certains feront escale dans les pays voisins pour récupérer d’autres colis en chemin. Il faudra compter cinq jours pour s’approcher des corridors humanitaires situés aux frontières de l’Ukraine. Tout autant pour rentrer. Et ainsi, entre chaque rotation. La route s’annonce longue.

Cartes en main, Erwann montre l’itinéraire envisagé. Le jeune homme de 21 ans s’est déjà porté volontaire pour partir avec les camions qui devront passer par la Suisse, l’Autriche, la Slovaquie et la Hongrie. Le tout a été savamment étudié pour éviter toute déconvenue en cours de route. En attendant, il s’occupe de tâches administratives, renseigne les donateurs. « Ce matin, on a été contacté par une étudiante qui voulait organiser une collecte dans son lycée. On lui a répondu qu’on se chargerait de la logistique pour récupérer tout ce qui pourrait être donné », explique-t-il. Avant d’être acheminées vers l’Ukraine, les denrées sont stockées dans un entrepôt de 1.000 mètres carrés à Vaulx-en-Velin.

Assis derrière son bureau, Jules, 24 ans, multiplie les appels téléphoniques et les courriers. Il y a quelques jours, il a échangé avec le maire de Kharkiv pour connaître les « besoins en temps réel » des habitants. C’est lui aussi qui s’entretient avec les interlocuteurs de chaque antenne de l’AISP avant de briefer son patron, chargé de coordonner l’ensemble. « Je dois également contacter les grandes entreprises pharmaceutiques, les représentants politiques des collectivités pour les convaincre de nous rejoindre », explique-t-il. Car les missions sont onéreuses. « Il faut trouver de l’argent pour affréter les colis, pour louer les camions, ajoute Erwann. L’avantage est que notre projet est établi. Il est budgétisé. On sait déjà combien de convois et de quantité de matériels partiront. On attend désormais que l’aide financière se matérialise. »

L’expérience des casques bleus, une plus value

« Nous avons l’habitude de réaliser ce genre d’opération », précise humblement Laurent Attar-Bayrou. Récemment, 1.400 colis ont été envoyés aux soldats mobilisés au Sahel et au Liban. La plus value des anciens casques bleus dans ce genre de mission est loin d’être négligeable. « Nous disposons d’une reconnaissance diplomatique, morale. Ce qui peut faciliter les choses sur place, explique l’ancien militaire. Notre force est d’agir tous ensemble pour la paix. Ce qui nous regroupe, c’est le béret bleu ».

Sur place, l’AISP sera « une ONG comme les autres » mais elle aura l’avantage de l’expérience. « On sait comment parler et réagir face à des soldats ou des officiers. On a appris à lire entre les lignes, à ne pas juger d’après les premières informations. Cela peut grandement faciliter notre mission », poursuit-il. Une mission qui ne s’arrêtera pas aux convois. L’ONG ambitionne d’œuvrer à long terme en Ukraine. « On songe déjà à mettre en place des actions pour déminer les terrains ciblés. On prévoit également d’envoyer des psychologues pour gérer les stress post-traumatiques et aider psychologiquement les populations se reconstruire », conclut Laurent Attar-Bayrou.