Grèce : Ouverture d'un premier procès #MeToo, un an après l'éveil du mouvement
JUSTICE•Le mouvement #MeToo avait été déclenché en Grèce il y a un an par les révélations d’une championne olympique de voile20 Minutes avec AFP
Le procès emblématique d’un entraîneur de voile accusé de viol sur mineure s’est ouvert mercredi à Athènes, un an après le début du mouvement #MeToo en Grèce déclenché par les révélations d’une championne olympique de voile. Le procès a été ajourné au 26 janvier.
L’affaire jugée devant la cour pénale d’Athènes fait partie des nombreuses dénonciations d’agressions sexuelles en Grèce depuis que la médaillée d’or de voile Sofia Bekatorou a brisé le tabou en décembre 2020.
Un entraîneur de voile accusé de viol sur une fille de 11 ans
L’entraîneur Triantafyllos Apostolou, 38 ans, est accusé d’avoir violé une sportive de la fédération de voile quand elle avait 11 ans. A l’audience mercredi, il a nié toutes les accusations et déclaré qu’il « n’approuvait le viol d’aucune créature sur la planète ».
A la veille de l’ouverture du procès, la plaignante, 21 ans, a déclaré avoir été « systématiquement violée » par l’accusé et « physiquement et verbalement agressée » par lui depuis l’âge de 9 ans. « Cela m’a pris dix ans pour comprendre qu’un enfant n’est pas en faute », a-t-elle dit à la chaîne grecque Antenna TV.
Sa famille avait initialement décidé de ne pas porter plainte pour éviter la stigmatisation. Mais la jeune femme a « eu le courage » de sortir de l’ombre grâce aux révélations de Sofia Bekatorou et espère que son propre cas servira à son tour à d’autres victimes. « Nous devons rompre le silence, punir les agresseurs et mettre fin à toute stigmatisation des victimes d’agressions sexuelles », a-t-elle déclaré.
« Pleines de rage »
Sofia Bekatorou, qui avait révélé cette affaire à la justice avec l’accord de la victime, sera appelée à la barre comme témoin de l’accusation. Elle n’a pas fait de déclaration mercredi à son arrivée au palais de justice. Devat le tribunal, mercredi, des femmes brandissaient des pancartes proclamant « Nous sommes pleines de rage ».
Dans la société patriarcale grecque, où le sujet des violences sexuelles peine à sortir de la sphère privée, les révélations de Sofia Bekatorou ont libéré la parole de nombreuses femmes agressées, déclenchant le mouvement #MeToo dans ce pays plus de trois ans après les États-Unis.
La médaillée d’or aux JO d’Athènes en 2004 avait déclaré publiquement il y a un an avoir été agressée sexuellement à l’âge de 21 ans par un haut responsable non identifié de sa fédération en 1998, lors des préparatifs pour les Jeux Olympiques de Sydney.
Les faits étaient prescrits mais elle avait rapporté au procureur qui l’auditionnait en janvier 2021 le cas de la toute jeune victime présumée d’Apostolou, désormais au cœur du procès.
La plaignante, qui sera appelée à la barre le 26 janvier, a dit avoir eu plusieurs rapports sexuels non consentis avec son entraîneur d’alors, de 18 ans son aîné. La cour a décidé mercredi qu’elle entendrait son témoignage à huis clos « pour la protection de sa vie privée ».
Apostolou, qui a révélé lui-même son identité dans une interview, a affirmé que les relations sexuelles étaient consenties et qu’il comptait épouser la jeune fille. « Nous allions nous marier et sa mère était d’accord », a-t-il affirmé l’an dernier au journal Proto Thema.
« Violences sexuelles et psychologiques »
Selon le procureur, l’accusé « a eu recours à des violences sexuelles mais aussi psychologiques contre la mineure afin qu’elle ne révèle pas son viol à ses parents ». Pour le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis, les révélations de Sofia Bekatorou ont permis d'« éveiller les consciences ».
Face à l’ampleur du mouvement, le gouvernement conservateur a durci les peines pour les agresseurs sexuels, allongé le délai de prescription pour les agressions sur mineurs et créé une plateforme numérique et des lignes téléphoniques d’aide aux victimes. Depuis la rentrée de septembre 2021, des cours d’éducation sexuelle comprenant la notion de consentement sont dispensés dans les écoles publiques.
Dans une interview fin décembre au magazine Marie-Claire, Sofia Bekatorou estime que « le mouvement #MeToo continue » en Grèce « en raison du grand nombre de victimes ». « #MeToo est venu comme une rivière pour nettoyer les plaies, aider à guérir, motiver les gens à parler », dit-elle.