Kazakhstan : Trois questions sur le conflit qui secoue le pays depuis dimanche
DECRYPTAGE•Les manifestations au Kazakhstan ont fait des « dizaines » de morts et plus d’un millier de blessésM.A. avec AFP
L'essentiel
- Longtemps vu comme le pays le plus stable d'Asie centrale, le Kazakhstan est ébranlé par un mouvement de colère qui a éclaté dimanche dans l'ouest du pays après une hausse des prix du gaz.
- La conflit a gagné Almaty, la capitale économique et plus grande ville kazakh, où les manifestations ont viré à l'émeute contre le pouvoir actuel, des manifestants s'emparant de bâtiments officiels.
- Mais que se passe-t-il au Kazakhstan ? 20 Minutes fait le point.
Des « dizaines » de manifestants ont été tués par la police et plus d’un millier de personnes ont été blessées au Kazakhstan, où des milliers de personnes manifestent depuis plusieurs jours en raison d’une hausse des prix du gaz. Face au chaos, la Russie voisine et ses alliés de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) ont annoncé jeudi l’envoi du premier contingent d’une « force collective de maintien de la paix » au Kazakhstan. Que se passe-t-il dans le pays ? 20 Minutes fait le point.
Pourquoi les manifestations ont-elles débuté ?
Le 2 janvier, des manifestants sont descendus dans la rue à Janaozen (région de Mangystau, ouest) pour protester contre la hausse des prix du gaz naturel liquéfié (GNL). Les manifestations, rares dans ce pays autoritaire d’Asie centrale, ont ensuite gagné la grande ville régionale d’Aktau, sur les bords de la mer Caspienne. Le gouvernement n’a pas tardé à réagir. Le 4 janvier, après deux jours de manifestations, le président du Khazakhstan, Kassym-Jomart Tokaïev, au pouvoir depuis 2019, a exhorté la population à « faire preuve de prudence » et à « ne pas céder aux provocations ».
Le même jour, les autorités ont annoncé une réduction du prix du GNL, sans calmer les protestataires, puisque des milliers de personnes se sont réunies à Almaty, la capitale économique, aux cris de « Démission du gouvernement ! » et « Le vieillard dehors ! », en référence à l’ancien président Noursoultan Nazarbaïev, mentor de l’actuel chef de l’Etat et encore très influent.
Quelle a été la réponse du gouvernement ?
Quelques heures après la gigantesque manifestation dans la capitale économique, le gouvernement a décrété l’état d’urgence à Almaty, mais aussi dans la province de Mangystau ainsi que dans la capitale Nur-Sultan, rebaptisée ainsi en l’honneur de Noursoultan Nazarbaïev. Un couvre-feu nocturne y est également entré en vigueur. Les messageries WhatsApp, Telegram et Signal étaient également inaccessibles dans la nuit du 4 au 5 janvier. Plus de 200 personnes ont été arrêtées après les manifestations de la nuit et près d’une centaine de policiers blessés ont été recensés par les autorités. Ces dernières avaient auparavant coupé l’accès à Internet et au réseau de téléphonie mobile dans l’ensemble du pays.
Le 5 janvier, le président Kassym-Jomart Tokaïev a annoncé le limogeage du gouvernement en place. L’intérim du Premier ministre est depuis assuré par le vice-Premier ministre Alikhan Smaïlov. Le même jour, malgré l’état d’urgence, des milliers de manifestants ont pris d’assaut la mairie d’Almaty, visés par des tirs de grenades assourdissantes et de gaz lacrymogène de la police. Les manifestants se sont ensuite dirigés vers la résidence présidentielle dans la ville, qu’ils ont incendiée, tout comme la mairie, et se sont emparés brièvement de l’aéroport. Selon les autorités, qui ont lancé une « opération antiterroriste », des « dizaines » de manifestants qui tentaient de s’emparer de bâtiments administratifs et commissariats ont été tués. Un millier de personnes ont été blessées et 2.000 autres arrêtées. Les forces de l’ordre rapportent 18 morts et 748 blessés dans leurs rangs.
En réaction, le président a promis une réponse « ferme » aux manifestions et a annoncé assumer la présidence du puissant Conseil de sécurité, jusque-là assurée par son prédécesseur. L’état d’urgence a été étendu, mercredi soir, à l’ensemble du territoire jusqu’au 19 janvier. Pour tenter de calmer la colère des manifestants, le gouvernement a annoncé, ce jeudi, avoir plafonné pour six mois le prix de vente des carburants.
Comment réagit la communauté internationale ?
Pour faire face aux émeutes, la Russie et ses alliés de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) ont envoyé, ce jeudi, des « forces de maintien de la paix » au Kazakhstan. Cette alliance militaire rassemble autour de la Russie plusieurs anciennes républiques soviétiques. Comprenant des troupes russes, biélorusses, arméniennes, tadjikes et kirghizes, leur mission sera de « protéger les installations étatiques et militaires » et « d’aider les forces de l’ordre kazakhes à stabiliser la situation et rétablir l’état de droit ».
De son côté, le gouvernement britannique a appelé, ce jeudi, à un « règlement pacifique » de la crise au Kazakhstan, où « des dizaines » de manifestants ont été tués par la police, mettant en garde contre toute nouvelle « escalade ». Les Etats-Unis, eux, ont appelé les autorités du Kazakhstan à la « retenue », souhaitant que les manifestations s’y déroulent « de manière pacifique », a dit mercredi la porte-parole de la Maison Blanche Jen Psaki. Jen Psaki a aussi critiqué les « folles allégations de la Russie » sur une responsabilité supposée des Etats-Unis dans les émeutes qui secouent le Kazakhstan. « C’est absolument faux » et cela relève « de la stratégie de désinformation russe », a-t-elle asséné.
Notre dossier sur le Khazakhstan
Même son de cloche du côté de la France, qui a appelé jeudi toutes les parties impliquées dans la crise au Kazakhstan à faire montre de « modération » après la mort de dizaines de manifestants, tués par la police. « Les événements de la nuit sont extrêmement préoccupants (…) Nous condamnons évidemment les violences qui ont eu lieu, a déclaré le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian. Nous sommes très meurtris du fait qu’il y ait eu autant de victimes et nous appelons toutes les parties, qu’elles soient au Kazakhstan ou dans le cadre de l’OTSC, à la modération et à l’ouverture d’un dialogue. »