DEMOCRATIEDes milliers de Tunisiens défilent « contre le coup d’Etat » de Kais Saied

Tunisie : Des milliers de manifestants « contre le coup d’Etat » de Kais Saied

DEMOCRATIELe président tunisien a gelé le Parlement depuis plusieurs semaines et concentre tous les pouvoirs entre ses mains pour mener des réformes sur la Constitution
20 Minutes avec AFP

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Plusieurs milliers de manifestants et manifestantes se sont rassemblées ce dimanche à proximité du Parlement tunisien, gelé depuis plus de trois mois, pour protester à nouveau contre la décision du président Kais Saied de s’arroger les pleins pouvoirs, dénonçant un « coup d’Etat ». Après des mois de blocage politique et au milieu d’une grave crise socio-économique et sanitaire, Kais Saied a invoqué le 25 juillet un « péril imminent » pour limoger le Premier ministre, suspendre les activités du Parlement et reprendre en main le pouvoir judiciaire.

« Le projet de Kais est la guerre civile », « Le peuple veut ce que vous ne voulez pas… » en référence au slogan du président lors de sa campagne, ou encore « Pas de dignité sans liberté », ont martelé les manifestants. Sur leurs pancartes, on pouvait aussi lire « Les actions de Kaies Saied ont abouti à la faillite » de la Tunisie, « Non à l’intimidation des médias » ou « Un pouvoir judiciaire indépendant est requis ». Aux premiers rangs de la manifestation se trouvaient plusieurs députés du Parlement dissous, issus de la gauche ou du parti d’inspiration islamiste Ennahdha.

« Pas de jugement militaire, la Tunisie est un Etat civil »

« Ils ont fermé toutes les routes, les avenues, les autoroutes. Après avoir fermé l’Etat, Saied a fermé les institutions, la Constitution. Il a fermé le pays. Il a fermé la République », a fustigé devant les médias Jawhar Ben Mbarek, un spécialiste en droit constitutionnel et figure de la gauche tunisienne. Plusieurs internautes ont partagé sur les réseaux sociaux des images de véhicules bloqués par la police pour les empêcher de rejoindre la banlieue du Bardo près de Tunis, alors qu’un impressionnant dispositif bloquait tous les accès au Parlement.

Drapeau tunisien à la main, les protestataires, rassemblés à moins d’un kilomètre du Parlement, criaient aussi leur opposition aux poursuites lancées par des tribunaux militaires à l’encontre de civils. « Pas de jugement militaire, la Tunisie est un Etat civil », scandaient-ils. Mercredi, l’ONG Amnesty International a dénoncé le nombre « croissant de civils qui font face à des poursuites devant des tribunaux militaires », soulignant qu’en seulement trois mois, « la justice militaire a lancé des enquêtes ou jugé au moins 10 civils ».

Kais Saied a perdu le soutien du peuple

Le 22 septembre, le président Saied a promulgué un décret officialisant la suspension de plusieurs chapitres de la Constitution et instaurant des « mesures exceptionnelles », censées être provisoires, le temps de mener des « réformes politiques », dont des amendements à la Constitution de 2014. Depuis, il légifère lui-même, a gelé le fonctionnement du Parlement et les salaires des députés, et préside le Conseil des ministres.

Il a ensuite nommé la scientifique Najla Bouden comme Premier ministre le 29 septembre, qui a formé un gouvernement le 11 octobre. Et si le président a insisté sur le caractère temporaire des mesures, assurant vouloir respecter les libertés, les Tunisiens et Tunisiennes, qui le soutenaient au départ, commencent à s’impatienter face au marasme économique. L’inflation est en effet à 6 % et le pays connaît un taux de chômage de 18 %.

« La tendance c’est d’aller vers un régime plus présidentiel mais on ne sait pas si ce sera dans un cadre démocratique ou pas », expliquait récemment Youssef Chérif, de l’institut de recherche Columbia Global Centers pour l’Afrique du Nord, critiquant des plans « pas très structurés ». « Il y a des signaux allant dans les deux directions : avec des dérives autoritaires mais aussi des hésitations », ajoute-t-il, citant le cas du député Yassine Ayari d’abord poursuivi devant un tribunal militaire qui s’est ensuite déclaré incompétent.