Inde : Le changement climatique accroît la fréquence, la puissance et la létalité de la foudre
RECHAUFFEMENT•Ce phénomène est particulièrement préoccupant en Inde, où la population urbaine devrait augmenter de manière exponentielle dans les années à venir20 Minutes avec AFP
Trois jeunes sont morts après avoir été frappés par la foudre au sommet d’un vieux fort du Rajasthan, dans le nord de l'Inde, où ce phénomène est de plus en plus fréquent et puissant en raison du changement climatique.
Le quatrième, seul survivant, âgé de 21 ans, Faizuddin, de retour chez lu à Jaipur, capitale du Rajasthan, est sous le choc. « La foudre m’a frappé par trois fois, coup sur coup », raconte-t-il, l’émotion étreignant sa voix. « Le bruit était assourdissant, on aurait cru l’explosion d’une énorme bombe. Mon pantalon et mes chaussures ont pris feu, mes membres se sont raidis, je ne pouvais plus bouger », poursuit-il. Une profonde entaille du crâne témoigne de la violence du traumatisme.
Près de 2.500 morts par an
Outre ses amis, huit autres personnes sont mortes foudroyées sous le même orage. En mai, dans l’État d’Assam (nord-est), un troupeau de 18 éléphants a été entièrement décimé par la foudre, selon les conclusions d’une autopsie réclamée par le gouvernement et des écologistes incrédules. La foudre est le phénomène naturel le plus meurtrier en Inde. Depuis les années 1960, le nombre de morts foudroyés y a presque doublé, s'élevant à 2.500 en moyenne par an, selon les données nationales. En comparaison, la foudre aux États-Unis ne cause que 43 décès en moyenne chaque année, selon le Service météorologique national américain (NWS).
« Entre avril 2020 et mars 2021, 18,5 millions de frappes ont été enregistrées en Inde », soit une augmentation de 34 % par rapport à l’année précédente, déclare l’expert Sanjay Srivastava, dont l’organisation Lightning Resilient Safe India Campaign œuvre à la collecte de ces données. Il organise aussi des campagnes de sensibilisation dans l’espoir de réduire de 80 %, d’ici trois ans, le nombre de morts humaines et animales qui, assure-t-il, pourraient être évitées grâce à l’éducation et des dispositifs de protection adéquats.
Un milliard de volts
Nombreux en Inde sont ceux qui ignorent, par exemple, que les arbres attirent la foudre et que s’abriter sous leurs branchages en cas d’orage est une erreur potentiellement fatale. La foudre, dont la charge électrique peut monter à un milliard de volts, s’est aussi abattue sur le fort de Chittaurgarh, au Rajasthan, détruisant un énorme pan d’une de ses tours. « Il y avait bien un paratonnerre mais il s’est révélé défectueux », déclare Ratan Jitarwal, conservateur du monument datant du XIVe siècle. A cet égard, Sanjay Srivastava fait remarquer que seuls 2 % des immeubles en Inde sont équipés de paratonnerres.
Depuis 2018, Damini, une application mobile gouvernementale, fournit des alertes à la foudre en temps réel et des informations sur les précautions à prendre. Mais son utilité reste limitée dans ce pays de 1,3 milliard d’habitants dont 54 % seulement possèdent un smartphone et plus rarement dans les zones rurales comme les régions désertiques pauvres du Rajasthan.
Pluie de boules de feu
La foudre frappe l’Inde avec de plus en plus de fréquence et de violence, affirme encore l’expert, blâmant le changement climatique dû à « toutes les atteintes à l’environnement ». « La déforestation, l’épuisement des masses d’eau, la systématisation du béton, l’industrialisation, l’accroissement des émissions de gaz », précise-t-il. « Le tout cumulé génère davantage de foudre » et explique, selon lui, qu’elle frappe de plus en plus fréquemment les villes. Ce phénomène est particulièrement préoccupant en Inde, où la population urbaine devrait augmenter de manière exponentielle dans les années à venir.
Mais le problème est mondial. Selon des études menées cette année, la fréquence moyenne de la foudre s’abattant dans le cercle polaire pourrait doubler au cours du siècle provoquant des effets en chaîne - incendies dévastateurs dans la toundra, échappements dans l’atmosphère de quantités massives de carbone, fonte du pergélisol –, qui accentueraient le réchauffement de la planète. « Si nous continuons comme ça, des boules de feu tomberont bientôt du ciel », ajoute Sanjay Srivastava, « et si elles frappent des zones à forte densité de population, nous aurons des morts par centaines voire par milliers ».