SEISMEPour les ONG, quelles sont les urgences sur place ?

Haïti : Pour les ONG, quelles sont les urgences sur place ?

SEISMEDe nombreuses ONG interviennent à Haïti à la suite d’un terrible séisme
Jean-Loup Delmas

Jean-Loup Delmas

L'essentiel

  • Ce samedi, un séisme à Haïti a fait 1.300 morts au moins et des milliers de blessés.
  • Face à ce drame, des ONG humanitaires se rendent sur place pour apporter de l’aide au pays.
  • Mais quelles sont les priorités une fois sur le terrain ?

Le bilan provisoire du séisme de magnitude 7,2 qui a frappé ce samedi le Sud-Ouest d’Haïti s’est alourdi ce dimanche à 1.297 morts et plus de 5.700 blessés, selon les services de protection civile du pays. Plus d’un million de personnes « touchées, dont 540 000 enfants », estime Bruno Maes, représentant d’Unicef en Haïti. Des chiffres qui devraient encore considérablement augmenter au fur et à mesure des recherches.

Face à ce drame humain, de nombreuses ONG interviennent sur place. Mais quelles sont les missions les plus urgentes à accomplir ? Muhamed Bizimana, directeur adjoint de CARE en Haïti, explique qu’évidemment, une grande partie des urgences est consacrée à la recherche des disparus sous les décombres, mais également à mettre à l’abri et protéger toute une part de la population désormais sans domicile, ou vivant dans des maisons pouvant s’effondrer à tout moment.

L’eau, enjeu majeur

Une nécessité d’autant plus grande que le séisme a touché « les quartiers parmi les plus pauvres d’Haïti, avec de nombreuses maisons qui ne sont pas aux normes sismiques et une grande densité de population », déplore le directeur adjoint. Evacuer la population n’est parfois pas si facile, note le directeur : « Dans les quartiers les plus pauvres, les personnes ont parfois du mal à quitter leur domicile, car c’est leur seul bien. Il faut parfois beaucoup de pédagogie pour expliquer les risques à rester et que même si cela ne se voit pas toujours, la maison est très endommagée et ne peut plus constituer un habitat sûr ».

A cela s’ajoute la nécessité de fournir « les biens de première nécessité, comme la nourriture et les articles non périssables comme les couvertures. » Agathe Lo Presti, directrice du programme à Haïti d’Handicap International, rajoute évidemment le besoin d’eau « consommable ou non, pour les besoins quotidiens ».

L’eau est un enjeu majeur lors de toute catastrophe. Déjà bien sûr pour hydrater la population et lui permettre de boire, mais également pour éviter la profusion de maladies. Haïti notamment a été touché par plusieurs épidémies de choléra, en raison d’une eau impropre suite à des cataclysmes. « L’insalubrité de l’eau est l’une des grandes menaces dont nos ONG doivent se saisir », plaide Muhamed Bizimana.

Spécificités haïtiennes

A ces besoins similaires pour tout pays touché par une catastrophe naturelle s’ajoutent les spécificités d’Haïti. Premièrement, la nation est régulièrement touchée par des catastrophes : séisme, ouragan, etc. De fait, « cette succession de catastrophe a accentué la vulnérabilité des structures du pays et donc de sa population. Il y a un besoin urgent d’appui et de renforcement des structures hospitalières et d’accueil », indique Agathe Lo Presti.

Elle poursuit avec les enjeux d’accès : « Le séisme est survenu dans des zones éloignées, avec des routes endommagées, et une situation d’insécurité sur Port au prince (la capitale du pays, N.D.L.R.) avec différents groupes armés. Nous avons notamment demandé la mise en place d’un corridor humanitaire. »

Expérience, résilience et vulnérabilité

Les nombreuses catastrophes qui se sont abattues sur Haïti permettent-elles de mieux gérer ce séisme, avec l’expérience accumulée par les précédents drames ? La réponse est ambivalente. D’un côté, « il est certain que les ONG ont à cœur de ne pas commettre certaines erreurs passées. Lors du précédent séisme, certaines ONG s’étaient un peu marché dessus ou gêné dans leurs tâches communes. Il y a cette fois la volonté de mieux déterminer chaque rôle afin d’éviter ça. Egalement, on connaît mieux le territoire et ses spécificités, notamment certaines difficultés d’accès. »

Muhamed Bizimana rajoute que la population est également mieux éduquée aux comportements à adopter en cas de catastrophe naturelle. « Il y a moins de pédagogie à faire que par le passé, la population haïtienne est très résiliente et sait la plupart du temps quoi faire. Cela évite certains comportements à risque ou d’empirer la situation. »

Mais derrière ces côtés positifs se cachent aussi une population et des structures affaiblies par tous les drames précédents, et bien plus vulnérables au moment de subir ce nouveau drame. Les ONG le savent, il va y avoir beaucoup de travail.