INTERVIEWIrlande: «Les groupuscules ne bénéficient d'aucun soutien de la part de la population»

Irlande: «Les groupuscules ne bénéficient d'aucun soutien de la part de la population»

INTERVIEWMaurice Goldring est universitaire à Paris VIII et spécialiste de l'Irlande. Il a publié «Renoncer à la terreur» aux éditions du Rocher...
Propos recueillis par Maud Descamps

Propos recueillis par Maud Descamps

En quatre jours, deux soldats et un policier britanniques ont été tués en Irlande du Nord. Des actes revendiqués par deux branches dissidentes de l'Armée révolutionnaire irlandaise (IRA), qui a, elle, renoncé à la lutte armée en 1998. D'un côté, l'IRA-véritable a tué deux policiers, samedi dernier, dans un attentat contre une caserne de l'armée britannique, en Irlande du Nord. De l'autre, l'IRA-continuité a revendiqué mardi le meurtre d'un policier par balles au nord-ouest de Belfast.


Deux branches dissidentes de l'IRA revendiquent des attaques contre des militaires et policier britanniques, à quelques jours d'intervalle. Pourquoi cette soudaine recrudescence de la violence?


Nous n'avons aucune explication quant au fait que ces deux attaques aient eu lieu à ces moments-là plutôt qu'à d'autres. Ce que nous pouvons supposer, c'est que l'IRA-continuité, qui a tué le policier lundi, a agi en réaction à l'attentat de samedi. Il existe, bien que les deux branches soient proches idéologiquement, une concurrence entre les deux groupes qui veulent faire parler d'eux.


Justement, on parle de deux groupuscules bien distincts. Que savons-nous sur eux?


Les deux branches ont été créées dans la fouée de la signature des accords de paix du vendredi saint, le 10 avril 1998. Ces accords ont mis en place le partage du pouvoir entre élus protestants et catholiques au sein d'institutions semi-autonomes, dont une assemblée et un gouvernement d'Irlande du Nord. Une partie des combattants de l'IRA n'a pas accepté ce rapprochement, ce qui a donné naissance à des groupes dissidents en faveur d'une lutte armée. Nous ne disposons que de très peu d'informations sur la composition de ces groupuscules. On parle de quelques dizaines de membres pour chacune des branches.


S'ils sont peu nombreux, ces activistes ont des méthodes très violentes. Les attaques commises ces derniers jours peuvent-elles remettre en cause la paix en Irlande du Nord?


A court terme, les branches dissidentes ne peuvent pas déséquilibrer la paix maintenant installée en Irlande. Les Irlandais ont vécu trente années de violence et ne veulent plus retomber là-dedans. Les groupuscules dissidents ne bénéficient donc d'aucun soutien de la part de la population. Par contre, depuis la signature des accords de 1998 et le dépôt des armes en 2005, la mixité entre les Catholiques et les Protestants, qui existait dans certains quartiers, a fortement diminué. Beaucoup de familles ont quitté ces quartiers pour se regrouper en communautés. De cette nouvelle répartition géographique est née une poussée des extrêmes sur la scène politique irlandaise.


D'un côté, la population est pour la paix, mais de l'autre, elle élit des partis radicaux au pouvoir. C'est très paradoxal…


Oui, c'est même schizophrénique. En signant les accords de 1998, l'Irlande a retrouvé la paix, mais a aussi exacerbé les volontés de reconnaissances de chaque communauté. Si l'IRA a rendu les armes et s'exprime désormais par son parti politique qu'est le Senn Féin, elle reste opposée à la souveraineté britannique. Même chose du côté des Protestants, avec le Parti unioniste démocrate, farouchement opposé à tout accord avec les Catholiques. Le fond du problème ne vient donc pas des groupuscules qui sont peu soutenus, mais de la scène politique avec des dirigeants, chargés de veiller au processus de paix, issus de mouvances radicales.