ETATS-UNIS« Contrairement à Trump, Biden n’est pas le centre de l’attention »

100 jours à la Maison Blanche : « Contrairement à Donald Trump, Joe Biden n’est pas le centre de l’attention »

ETATS-UNISLe président américain laisse les résultats sur la vaccination et l’économie parler pour lui, mais la crise migratoire pourrait lui coûter cher politiquement l’an prochain
Philippe Berry

Philippe Berry

L'essentiel

  • Joe Biden va passer le cap des 100 jours à la Maison Blanche ce jeudi.
  • Avant cela, il va s’adresser au Congrès mercredi soir et devrait se féliciter du succès de la campagne de vaccination.
  • Mais les élections de la mi-mandat, l’an prochain, pourraient être difficiles pour les démocrates, notamment avec la crise à la frontière mexicaine.

De notre correspondant aux Etats-Unis,

Un président normal pour des temps exceptionnels. Joe Biden, qui doit s’adresser au Congrès mercredi soir et passera le cap de ses 100 premiers jours à la Maison Blanche jeudi, semble s’être inspiré de « no drama Obama » – calme, appliqué et avec une équipe soudée – pour ses débuts. En trois mois, plus de la moitié des adultes américains ont reçu au moins une dose de vaccin, le Congrès a approuvé un plan de relance record, et Joe Biden a repositionné les Etats-Unis sur la scène internationale, notamment sur le climat. Le tout sans polémique ni gaffe majeure, et avec 54 % d’Américains satisfaits.

« Son plus grand succès, c’est que contrairement à Donald Trump, il n’est pas le centre de l’attention. Joe Biden est concentré sur la tâche, sans distraction », estime l’ancien porte-parole du parti républicain Doug Heye. Mais alors que les élections de la mi-mandat se profilent l’an prochain, les républicains espèrent profiter de la crise migratoire à la frontière avec le Mexique pour reprendre le contrôle de la Chambre.

Ses succès : La vaccination et l’économie

Il s’était fixé un objectif modeste de 100 millions de doses administrées en 100 jours – qui aurait été atteint en continuant au rythme des vaccinations de la fin du mandat de Donald Trump. Au final, les Etats-Unis ont fait plus de deux fois mieux. Plus de 54 % des adultes ont reçu au moins une dose, et 37 % sont complètement vaccinés. Si la tendance continue, toutes les personnes majeures le souhaitant pourraient être vaccinées d’ici à la mi-juillet.

Le cabinet du président américain Joe Biden à la Maison Blanche, le 1er avril 2021.
Le cabinet du président américain Joe Biden à la Maison Blanche, le 1er avril 2021. - Maison Blanche / A.Schultz

« Donald Trump mérite sans doute plus de crédit qu’on ne lui accorde. Avec l’opération Warp Speed, il a négocié avec les laboratoires comme un PDG », juge Doug Heye. Mais selon lui, les priorités fixées et les fonds débloqués par l’administration Biden ont permis d’améliorer la logistique entre le gouvernement fédéral et les Etats sur la vaccination, avec un rythme quotidien qui a triplé entre janvier et avril. « Aujourd’hui, la pandémie semble sous contrôle, et c’est vital pour que l’économie reparte », poursuit Heye. Le patron de la Fed, Jerome Powell, a d’ailleurs estimé le mois dernier que le pays était « sur la bonne voie », tout en restant prudent.

Joe Biden, qui peut se féliciter d’avoir fait adopter par le Congrès un plan de relance de près de 2.000 milliards de dollars, veut doubler la mise avec une enveloppe équivalente pour les infrastructures et le climat. Mais la bataille politique s’annonce beaucoup plus compliquée, y compris chez les démocrates, qui n’ont aucune marge au Sénat. Et si un compromis avec les républicains pour réformer a minima l’usage de la force chez les policiers n’est pas exclu, tout combat pour restreindre les armes à feu aux Etats-Unis est « perdu d’avance », estime Doug Heye, alors qu’une majorité de 60 voix sur 100 serait nécessaire au Sénat.

Le point noir : La crise migratoire

En mars, 172.000 personnes tentant d’entrer illégalement aux Etats-Unis ont été arrêtées à la frontière avec le Mexique. Un record sur les quinze dernières années qui s’explique en partie par des facteurs saisonniers, deux ouragans qui ont dévasté l’Amérique centrale à l’automne dernier, la pauvreté exacerbée par le Covid-19 et un appel d’air après la présidence de Donald Trump. « Mais l’administration Biden donne l’impression qu’elle n’était pas préparée », avec des centres d’accueil surpeuplés, juge Doug Heye. Alors qu’une majorité d’Américains désapprouve sa gestion de l’immigration, Joe Biden a fait un cadeau empoisonné à Kamala Harris en lui confiant ce dossier.

Joe Biden et Kamala Harris dans la limousine présidentielle, le 19 mars 2021.
Joe Biden et Kamala Harris dans la limousine présidentielle, le 19 mars 2021. - Maison Blanche / A.Schultz

Les républicains n’en demandaient pas tant. Kevin McCarthy, qui s’est rendu à la frontière, espère devenir le Speaker de la Chambre l’an prochain si les républicains redeviennent majoritaires lors des Midterms en novembre 2022. Traditionnellement, le parti au pouvoir est en effet sanctionné à la mi-mandat. Donald Trump, qui a du mal à exister sans ses comptes Twitter et Facebook, multiplie de son côté les communiqués et s’active en coulisses pour soutenir des candidats portant son programme America First.

Donald Trump et le leader de la minorité républicaine à la Chambre, Kevin McCarthy, à Mar-a-Lago, le 28 janvier 2021.
Donald Trump et le leader de la minorité républicaine à la Chambre, Kevin McCarthy, à Mar-a-Lago, le 28 janvier 2021. - Kevin McCarthy

Même si les démocrates semblent mieux placés pour conserver le contrôle du Sénat, des républicains majoritaires à la Chambre pourraient alors paralyser la seconde moitié du mandat de Joe Biden, comme ils l’avaient fait pour Obama en 2010. Biden, qui espère « transformer » l’Amérique après le Covid-19 comme Franklin Roosevelt l’avait fait après la Grande dépression avec le New Deal, n’a peut-être que 18 mois pour y parvenir.