COMPTE RENDUDes policiers brisent la loi du silence au procès de Derek Chauvin

Mort de George Floyd : Des policiers brisent la loi du silence au procès de Derek Chauvin

COMPTE RENDULe policier le plus expérimenté de la police de Minneapolis a livré un témoignage accablant contre Chauvin, vendredi
Philippe Berry

P.B. avec AFP

Aux Etats-Unis, cela s’appelle le « blue wall of silence ». Un policier impliqué dans un homicide est rarement inculpé, et encore moins condamné, notamment à cause de la force des syndicats et d’un « mur du silence » respecté par tous ceux qui portent l’uniforme bleu. Mais au procès de Derek Chauvin, deux anciens de ses collègues ont assuré aux jurés que la force utilisée contre George Floyd était « injustifiée ».

Vendredi, c’est l’officier le plus expérimenté de la police de Minneapolis qui a livré un témoignage accablant contre Derek Chauvin, ne jugeant « absolument pas nécessaire » la force « mortelle » utilisée pour maîtriser l’Afro-Américain George Floyd.

« Absolument pas nécessaire »

Richard Zimmerman, policier depuis près de 30 ans dont 25 dans la grande ville du nord des Etats-Unis, était appelé à témoigner au cinquième jour de ce procès hors norme qui captive l’Amérique et le monde. « Je suis le numéro Un en ancienneté, je déteste le dire, mais c’est comme ça », avait déclaré en guise d’introduction ce gradé aux cheveux blancs, qui dirige l’unité des homicides à Minneapolis et avait, à ce titre, supervisé les débuts de l’enquête interne ouverte après la mort de George Floyd, le 25 mai.

Lors d’un échange avec le procureur Matthew Frank, Richard Zimmerman a porté d’une voix calme un coup fatal à cette ligne de défense :

« - « Avez-vous au cours de vos années au sein de la police de Minneapolis été entraîné à mettre votre genou sur le cou de quelqu’un menotté à plat ventre ? - Non. - Est-ce que cela correspond à un usage de la force ? - Absolument. - De quel type ? - Le maximum, une force mortelle. - Pourquoi ? - Parce que s’agenouiller sur le cou de quelqu’un peut le tuer. » »

« Respiration difficile » à plat-ventre

Un peu plus tard, Zimmerman a enfoncé le clou. « Le mettre à plat ventre avec un genou sur le cou pendant aussi longtemps était simplement injustifié », « absolument pas nécessaire » a-t-il déclaré.

« Je ne vois pas pourquoi les agents se sont sentis en danger », seule raison qui aurait pu, selon lui, expliquer une telle mesure. En effet, une fois un suspect menotté, « le risque d’être blessé diminue fortement », a-t-il souligné.

Zimmerman a également expliqué avoir, lors de la formation continue, été informé des risques de laisser quelqu’un à plat ventre. « Il faut en sortir le plus vite possible, parce que ça rend la respiration plus difficile ». Et, a-t-il insisté, « quand vous menottez une personne, elle est à vous, sa sécurité et sa santé sont votre responsabilité », même si une ambulance a été appelée.

L’avocat de Derek Chauvin, Me Eric Nelson a ensuite tenté d’affaiblir la portée de son témoignage en soulignant qu’il ne faisait plus de terrain et que les formations pouvaient avoir changé depuis ses études. Sans ciller, M. Zimmerman a rétorqué que maintenir quelqu’un à plat ventre avait toujours été dangereux. « Cela n’a pas changé. »

La veille, c’était l’ancien supérieur hiérarchique de Derek Chauvin, le sergent David Pleoger, qui avait désavoué son ex-subordonné, répondant au procureur : « Quand il ne résistait plus, les officiers auraient pu cesser de le maintenir » au sol.