Mort de George Floyd : Le jury face à l’agonie de la victime à l’ouverture du procès de l’ex-policier Derek Chauvin
JUSTICE•Le procès de l'ancien policier Derek Chauvin, inculpé de meurtre, s'est ouvert à Minneapolis lundi et devrait durer quatre semainesPhilippe Berry
L'essentiel
- L’audience au procès de l’ex-policier Derek Chauvin s’est ouverte lundi au tribunal de Minneapolis.
- L’ancien policier est jugé pour le meurtre de George Floyd et risque un maximum de 40 ans de réclusion en cas de condamnation.
- Le procès devrait se concentrer sur la cause du décès et la présence de fentanyl dans l’organisme de George Floyd.
De notre correspondant aux Etats-Unis,
La planète entière a déjà vu ces images. Mais à l’ouverture du procès de l’ex-policier Derek Chauvin, jugé pour le meurtre de George Floyd, lundi, le jury a enduré l’intégralité des « neuf minutes et 29 secondes » d’une vidéo insoutenable. A 27 reprises, cet Afro-Américain interpellé après avoir acheté des cigarettes avec un billet contrefait a crié « je ne peux pas respirer », menotté et immobilisé au sol, le genou de Derek Chauvin pressant sur son cou.
« Vous pouvez faire confiance à vos yeux. C’est un homicide. C’est un meurtre », a asséné Jerry Blackwell, un des avocats de l’équipe du procureur. La défense, elle, a assuré que George Floyd était mort d’une « arythmie cardiaque » après avoir « avalé un mélange de méthamphétamine et de fentanyl ». La cause du décès devrait être au cœur d’un procès sous haute tension, avec plus de 3.000 policiers mobilisés en vue du verdict attendu fin avril ou début mai.
La vidéo du drame présentée en ouverture
Pendant les 60 minutes de sa déclaration d’ouverture, Jerry Blackwell a présenté une stratégie en deux temps. Selon lui, l’ex-policier Derek Chauvin, qui a porté le badge pendant 19 ans, a fait « un usage excessif de la force » et c’est la pression de son genou sur les voies respiratoires de George Floyd qui a provoqué son décès « respiration après respiration ».
L’avocat s’est appuyé sur une vidéo filmée par un passant. Il a rappelé que George Floyd n’était pas armé, a été menotté, faisait face à cinq policiers et « ne représentait pas de menace ». Selon lui, une prise d’étranglement, autorisée au moment des faits pour immobiliser un suspect dangereux – et depuis bannie par la ville de Minneapolis – n’était « pas justifiée ».
Si Derek Chauvin est, selon lui, coupable de meurtre au second degré, une charge qui retient le caractère intentionnel et est passible de 40 ans de réclusion, c’est « pour ce qu’il a fait » mais aussi « ce qu’il n’a pas fait ». « Vérifiez son pouls », « il a perdu connaissance », « faites-lui un massage cardiaque » : pendant ces neuf minutes, les passants crient et supplient les policiers de s’arrêter. Derek Chauvin reste impassible et ne tourne pas George Floyd en position latérale de sécurité pour lui permettre de respirer, comme le manuel de la police de la ville le recommande.
Derrière son masque, Covid-19 oblige, impossible de lire les réactions de l’ex-policier dans la salle d’audience. Au cours de cette première matinée, on l’a surtout vu activement prendre des notes, notamment pendant la diffusion de la vidéo.
La défense se concentre sur le fentanyl détecté dans l’organisme de George Floyd
Si les procureurs se limitent à cette période d’un peu plus de neuf minutes, la défense a mis l’accent sur les événements qui ont précédé l’interpellation. L’avocat Eric Nelson a rappelé aux 12 jurés que le gérant de la supérette avait demandé à George Floyd de rendre les cigarettes ou de payer avec un véritable billet. Qu’il avait signalé que Floyd « avait l’air ivre » lors de son appel à la police.
Eric Nelson a promis qu’il présenterait des éléments prouvant que George Floyd « a avalé de la drogue pour la dissimuler à la police », selon lui, une « speedball », un mélange de méthamphétamine et fentanyl. L’avocat a insisté, George Floyd est mort, selon lui, d’une « arythmie cardiaque résultant de son hypertension, d’une coronaropathie (maladie cardiaque), d’une ingestion de méthamphétamine et fentanyl et de l’adrénaline présente dans son organisme. »
Le procureur a tenté de discréditer cette défense, soulignant que lors d’une overdose d’opioïdes, une personne « s’endort en quelques minutes » alors que George Floyd était « alerte » avant d’être immobilisé par Derek Chauvin. Le témoignage du médecin légiste, qui a conclu à un « homicide par arrêt cardiopulmonaire » survenu après « une immobilisation et une compression du cou », sera déterminant. La défense a en effet noté qu’il n’avait pas conclu à une « asphyxie », contrairement à une seconde autopsie réalisée à la demande de la famille de George Floyd. Des éléments cruciaux alors que le verdict, attendu dans un mois, doit être prononcé à l’unanimité et établi par chaque juré « au-delà du doute raisonnable ».
» L’audience à suivre sur le compte Twitter de notre correspondant@ptiberry