Présidentielle américaine : Le spectre des violences fait craindre le pire
TENSIONS•Entre les suspicions de fraude et la possible contestation des résultats de l'élection par le Président lui-même, le pays est une poudrière prête à exploser à la moindre étincelleMarie De Fournas
L'essentiel
- La population et les experts craignent une explosion de violences aux Etats-Unis à l’annonce des résultats de l'élection présidentielle.
- Si Joe Biden est déclaré vainqueur, Donald Trump pourrait ne pas accepter le résultat et remettre en cause la passation de pouvoir.
- Depuis plusieurs mois, les deux camps sont chauffés à blanc par des discours marqués de violences et de rumeurs de fraudes.
Magasins qui se barricadent et population sous pression. Aux Etats-Unis, à J-1 de l’élection présidentielle qui oppose l’actuel président républicain Donald Trump au démocrate Joe Biden, la crainte d’une explosion des violences à l’annonce des résultats est plus que présente. D’après un sondage publié sur USA Today, 75 % des Américains les redouteraient. Une crainte partagée par les observateurs et les experts. « Le potentiel de violence est grand et très inquiétant quel que soit le résultat », confirme pour 20 Minutes Nicole Bacharan, historienne et politologue spécialiste des Etats-Unis.
Les magasins de plusieurs grandes villes ont déjà commencé à se barricader craignant des manifestations et des pillages. Dimanche au Texas, Joe Biden a dénoncé le présumé harcèlement de l’un de ses cars de campagne par des supporteurs de son adversaire Donald Trump. Les images ont été relayées par le président lui-même sur Twitter, avec en commentaire « I love Texas » ("j’aime le Texas").
aLes deux camps chauffés à blanc
Les événements violents peuvent survenir de l’extrême droite comme de l’extrême gauche, car les deux camps sont armés et sous tension depuis plusieurs années et tout particulièrement ces derniers mois. « Cela fait quatre ans que Donald Trump insulte le camp adverse, fonctionne au chaos et tient des propos violents, sans jamais tenir aucun message de rassemblement, même en période de pandémie, analyse Nicole Bacharan. Le pays est déjà ultra tendu et en plus de ça, cela fait des mois qu’il répète qu’il va gagner et que si ce n’est pas le cas, c’est que le vote est truqué ou qu’il y a fraude au vote par correspondance. »
Au Texas, les Républicains ont ainsi demandé l’annulation de 127.000 bulletins dans des bureaux de vote drive in dans la région de Houston. La Cour suprême du Texas a refusé cette contestation et le juge de cour de district devrait prendre cette même décision ce lundi. « Si le juge ne la refuse pas, les opposants démocrates pourraient estimer qu’il y a un vol démocratique », explique Romain Huret, historien des Etats-Unis et directeur d’études à l’EHESS. Il craint tout particulièrement une flambée de violences si l’un des deux camps vient à perdre à cause d’une action juridique ou d’une manipulation politique.
« Aucun de ses prédécesseurs n’a jamais remis en cause cette période de transition »
Autre élément qui pourrait mettre le feu aux poudres : la réaction de Donald Trump concernant les résultats. Celui-ci est resté assez évasif quant au fait qu’il accepterait les résultats du scrutin du 3 novembre. « C’est la première fois dans l’Histoire des Etats-Unis qu’un Président annonce que la transition pourrait ne pas se faire de manière normale. Aucun de ses prédécesseurs n’a jamais remis en cause cette période de transition », souligne Romain Huret.
Dimanche, à sa descente d’Air Force One en Caroline du Nord, Donald Trump a déclaré aux médias que « dès que l’élection serait terminée » ses avocats « seront prêts », laissant entrevoir la possibilité d’une contestation du scrutin et d’une longue bataille judiciaire en cas de défaite. Lors de son premier débat, il avait également appelé le groupe de suprémaciste blanc Proud Boys, à se « tenir prêt » dans ce genre de situation.
« On est sur une poudrière »
Entre rumeur de fraudes, manipulation politique et appel à peine déguisé à la contestation, les deux camps sont particulièrement tendus et prêts à descendre dans la rue. Là encore, du presque jamais vu dans l’histoire américaine. « La dernière fois qu’il y a eu une explosion des violences aux Etats-Unis lors d’une élection présidentielle, c’était en 1968 avec la victoire de Nixon et on en parle encore aujourd’hui dans les livres d’Histoire », souligne Nicole Bacharan.
Notre dossier sur l'élection présidentielle américaine
« On est sur une poudrière », estime Romain Huret pour qui le pire scénario serait qu’il y ait d’abord un candidat victorieux à la suite du dépouillement des votes physiques, puis un autre avec le dépouillement des votes par correspondance d’ici plusieurs jours. En attendant, la situation reste anxiogène dans tout le pays.