ETATS-UNISUn labo commercialisant des opiacés accepte de payer 8 milliards de dollars

Crise des opiacés : Un laboratoire américain accepte de payer 8 milliards de dollars

ETATS-UNISLe groupe pharmaceutique Purdue va plaider coupable pour sa promotion trompeuse des médicaments anti-douleur
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

Le laboratoire pharmaceutique américain Purdue va plaider coupable pour sa promotion trompeuse des médicaments anti-douleur aux opiacés, et se consacrer désormais à lutter contre les overdoses aux opiacés, responsables de la mort de plus de 450.000 personnes aux Etats-Unis depuis 20 ans.

Dans le cadre d’un accord annoncé avec le ministère américain de la Justice, Purdue Pharma, propriété de la très controversée famille Sackler, va plaider coupable devant un tribunal fédéral du New Jersey de trois chefs d’inculpation, liés à la façon dont il a trompeusement promu ce médicament, et induit en erreur l’agence américaine de régulation FDA entre 2007 et 2017.

Le laboratoire devra payer directement quelque 225 millions de dollars d’amende pénale à l’Etat fédéral, plus quelque 2,8 milliards de dollars censés mettre fin à la partie civile du litige.

Le problème, c’est que cet accord est encore soumis à l’approbation d’un tribunal, Purdue s’étant placé sous la protection de la loi des faillites en 2019. L’entreprise pourrait donc ne payer qu’une fraction de cette somme car de nombreux créditeurs attendent déjà de toucher un chèque.

Dissolution

L’entreprise basée dans le Connecticut devra aussi se dissoudre puis créer une nouvelle entité dédiée au « bien public » (Public Benefit Company), gérée par un trust : cette entité devra fournir gratuitement ou à prix coûtants des médicaments anti-overdose et des traitements contre la dépendance aux opiacés.

Les bénéfices de l’entité devront aussi contribuer au paiement des programmes mis en place par les collectivités locales – Etats, comtés, réserves indiennes – les plus touchées par la crise des opiacés.

« Purdue regrette profondément et accepte sa responsabilité pour ses erreurs de conduite » détaillés dans l’accord, a indiqué son président, Steve Miller, dans un communiqué. « Purdue est très différent aujourd’hui (…), nous avons changé substantiellement notre direction, nos opérations, notre gouvernance et notre mode de surveillance », a ajouté cet homme arrivé à la tête du laboratoire mi-2018, avec pour mission de trouver une issue à la montagne de litiges engagés contre elle.

La famille Sackler dans le collimateur

La famille Sackler – qui finançait des musées du monde entier avant de se voir boycotter à la suite de la crise des opiacés – devra, elle, payer, séparément, 225 millions de dollars de dommages et intérêts, visant à solder à son litige civil avec la justice fédérale, a indiqué le ministère. « L’accord d’aujourd’hui est une étape essentielle dans les efforts du ministère pour faire rendre des comptes à tous ceux qui ont alimenté la crise des opiacés », a déclaré Jeffrey Bossert Clark, un des responsables de ce dossier au ministère.

L’accord intervient après plusieurs années d’enquêtes fédérales sur les pratiques de Purdue. Il ne prévoit cependant aucune poursuite pénale contre les Sackler, au grand dam des procureurs de plusieurs Etats, dont New York, décidés à continuer leurs propres actions en justice pour les faire payer plus.

« Alors que notre pays se remet encore de la douleur et la destruction causées par la cupidité des Sackler, cette famille essaie d’échapper à ses responsabilités et de dédommager, à moindre frais, les millions de victimes de la crise », a déploré la procureure générale démocrate de l’Etat de New York, Letitia James, dans un communiqué. « Nous allons continuer à poursuivre ces dossiers en justice pour obtenir jusqu’au dernier centime possible, afin de limiter les futures dépendances aux opiacés », a-t-elle ajouté.

Comparaison avec l’industrie du tabac

Aussi large que soit cet accord – qui intervient après d’autres accords ponctuels scellés avec des laboratoires ou distributeurs de médicaments opiacés ces derniers mois – il est loin de mettre fin à la foule de litiges en cours aux Etats-Unis.

Des centaines de collectivités locales ont attaqué en justice laboratoires, grossistes et chaînes de pharmacies distributrices de médicaments aux opiacés. Tous sont accusés d’avoir, à partir de la fin des années 90, poussé à une surconsommation d’anti-douleurs aux opiacés – jusqu’alors utilisés surtout dans le traitement des maladies les plus graves – alors même qu’ils connaissaient leur puissance addictive.

Les dépendances ainsi générées ont alimenté un trafic illégal de drogues aux opiacés, comme le puissant fentanyl, à l’origine de dizaines de milliers de morts par overdose chaque année – au total plus de 400.000 en 30 ans en ajoutant les médicaments prescrits et le commerce illégal.

Certains ont comparé ces actions aux litiges engagés contre les grands cigarettiers dans les années 80-90, accusés d’avoir minimisé pendant des décennies les dangers du tabagisme. Ils avaient accepté de payer plus de 200 milliards de dollars dans le cadre d’un accord en 1998.