DIPLOMATIE« J’ai honte » pour les dirigeants libanais, déclare Emmanuel Macron

Liban : « Trahison », « honte »… Emmanuel Macron s’en prend aux dirigeants libanais

DIPLOMATIEEmmanuel Macron s’est exprimé ce dimanche soir lors d’une conférence de presse sur la situation politique au Liban
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

Au lendemain de l’échec d’une tentative de former un gouvernement dans un pays plus que jamais en crise, le président français Emmanuel Macron a fustigé, ce dimanche, la « trahison » de la classe politique libanaise, ajoutant avoir « honte » pour eux.

« J’ai honte » pour les dirigeants libanais, a lancé le président français. Après le renoncement du Premier ministre désigné Moustapha Adib, incapable de former un gouvernement en raison de querelles politiciennes, le Liban se retrouve empêtré dans une crise politique.

Une « dernière chance » pour constituer un gouvernement

Cette décision semble marquer l’échec de l’initiative lancée par Emmanuel Macron après la tragique explosion du 4 août au port de Beyrouth, nouvelle épreuve pour un pays en proie à la pire crise économique, sociale et politique de son histoire. Les partis politiques s’étaient engagés auprès d’Emmanuel Macron, venu à Beyrouth début septembre, à former un cabinet de ministres « compétents » et « indépendants » dans un délai de deux semaines, condition pour l’envoi d’aide internationale nécessaire au redressement du pays. Dimanche soir, le chef d’Etat français a « pris acte de la trahison collective » des partis libanais qui, selon lui, « portent l’entière responsabilité » de cet échec.

Les dirigeants du pays du Cèdre disposent d’une « dernière chance » de respecter leurs engagements, afin de constituer un « gouvernement de mission et obtenir de l’aide internationale », a-t-il exhorté. En jetant l’éponge samedi, Moustapha Adib a indiqué constater l’inexistence d’un consensus entre les partis en dépit de l’urgence de mener les réformes réclamées par la communauté internationale pour débloquer des milliards de dollars d’aide. Les craintes vont crescendo d’une dégradation supplémentaire de la situation dans le pays, où la classe dirigeante quasi inchangée depuis des décennies est accusée de corruption, d’incompétence et d’indifférence par une grande partie de la population.

Le Hezbollah « ne doit pas se croire plus fort qu’il ne l’est »

Le chef de l’Etat libanais doit désormais mener de nouvelles consultations parlementaires contraignantes pour désigner un Premier ministre. Mais ce processus risque, une nouvelle fois, de s’éterniser, voire d’échouer. La formation du gouvernement a été entravée par les revendications du parti chiite Hezbollah, un allié de l’Iran qui domine la vie politique libanaise, et de son allié Amal, qui réclamaient le portefeuille des Finances. Selon les observateurs, leur obstination est liée aux sanctions américaines imposées à un ministre d’Amal, qui était aux Finances, et à deux compagnies affiliées au Hezbollah.

Le Hezbollah « ne doit pas se croire plus fort qu’il ne l’est », a tancé Emmanuel Macron. Ce parti « ne peut en même temps être une armée en guerre contre Israël, une milice déchaînée contre les civils en Syrie et un parti respectable au Liban. C’est à lui de démontrer qu’il respecte les Libanais dans leur ensemble. Il a, ces derniers jours, clairement montré le contraire ».

« Quatre à six semaines » de sursis

Le chef de l’Etat français jette un horizon de « quatre à six semaines » pour que les bailleurs internationaux voient si un gouvernement de mission est encore envisageable ou s’il faut envisager un changement complet de paradigme. « A l’horizon environ d’un mois, un mois et demi, nous serons obligés de faire le bilan (…). S’il n’y a aucune avancée sur le plan interne, alors nous serons obligés d’envisager une nouvelle phase de manière très claire et de poser la question de confiance : est ce qu’un gouvernement de mission sur la base de la feuille de route est encore possible ? Ou est-ce qu’il faut à ce moment-là changer la donne et aller peut-être dans une voie plus systémique de recomposition politique au Liban ? », a-t-il dit, qualifiant cette piste de « très aventureuse ».

Emmanuel Macron a jugé que faute d’un accord sur les bases évoquées en août, le Liban risquait soit la « guerre civile », soit de continuer de s’enliser avec un gouvernement de « profiteurs ». Et dans tous les cas, que le pays ne pourrait pas compter dans ces conditions sur l’aide internationale dont il a cruellement besoin. Moustapha Adib a succédé à Hassan Diab qui avait démissionné après l’explosion dévastatrice le 4 août dans un entrepôt où étaient stockées d’importantes quantités de nitrate d’ammonium au port de Beyrouth : plus de 190 morts, plus de 6.500 blessés et des quartiers entiers de la capitale détruits.