La Cour suprême coupe la poire en deux sur les impôts de Trump

Pas d'immunité pour Trump, mais le public ne verra sans doute pas ses impôts avant l'élection

ETATS-UNISLa Cour suprême a conclu que la justice pouvait demander des documents financiers au président américain mais a bloqué leur transfert au Congrès dans l'immédiat
Philippe Berry

P.B. avec AFP

La Cour suprême a donc coupé la poire en deux. Jeudi, la plus haute instance judiciaire des Etats-Unis a conclu par 7 voix contre 2 que Donald Trump n’était pas un roi et ne bénéficiait pas d’une immunité absolue face à des poursuites judiciaires, autorisant le parquet de Manhattan à réclamer des déclarations d’impôts que le président américain refuse de rendre publiques. Mais dans le même temps, les juges ont bloqué, pour le moment, le transfert des documents qu’avaient réquisitionnés les élus démocrates du Congrès. Traduction : le bras de fer judiciaire va se poursuivre, et les électeurs américains n’en apprendront sans doute pas davantage sur les finances opaques de Donald Trump avant la présidentielle du 3 novembre.

Dans la première affaire, le parquet de Manhattan cherche à obtenir huit ans de déclarations d’impôts de Donald Trump auprès cabinet comptable Mazars, de 2011 à 2018. Le procureur Cyrus Vance enquête un paiement de 130.000 dollars qui pourrait avoir servi à acheter le silence de la star du porno Stormy Daniels, qui s’apprêtait à déclarer publiquement qu’elle avait eu une liaison avec Donald Trump juste avant la présidentielle de 2016. Le pairement pourrait avoir violé les lois sur le financement électoral.

« Pas juste », se plaint Trump

« Aucun citoyen, pas même le président, ne peut éviter d’avoir à produire des documents en cas d’enquête pénale », a écrit le chef de la Cour John Roberts au nom de la majorité. « Le président ne jouit pas d’une immunité absolue », a-t-il ajouté. « C’est une énorme victoire pour notre système judiciaire et son principe fondateur que personne – pas même le président – n’est au-dessus des lois », a réagi le procureur de Manhattan.

Donald Trump, lui, a dénoncé une « chasse aux sorcières ». « La Cour suprême renvoie le dossier à un tribunal inférieur, les débats se poursuivent. Ce ne sont que des poursuites politiques. Ce n’est pas juste », a tweeté le président américain.

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Concrètement, la procédure de la justice new-yorkaise peut donc continuer. Mais la Cour suprême a estimé que le président pouvait soulever d’autres objections devant les tribunaux et ses avocats se sont engouffrés dans la brèche. « Nous allons désormais soumettre de nouveaux arguments légaux et constitutionnels », a déclaré Jay Sekulow en se disant « satisfait » des arrêts de la Cour.

Même si le procureur obtient gain de cause, les investigations sont menées par un grand jury, un collectif de citoyens tirés au sort qui opère dans le plus grand secret et, en théorie, aucun élément du dossier ne devrait être rendu public.

Echec pour les démocrates du Congrès

C’est pour cette raison que les démocrates du Congrès avaient, eux aussi, réquisitionné les déclarations d’impôts de Donald Trump et des documents de Deutsche Bank, pour faire la lumière sur de possibles liens financiers entre Donald Trump et la Russie. Dans sa décision, la Cour suprême a averti les élus que leur pouvoir de subpoena (injonctions parlementaires) n’était pas illimité. Les juges ont renvoyé le dossier à une cour inférieure qui devra analyser de près les arguments du Congrès et de la Maison Blanche sur la séparation des pouvoirs.

L’histoire n’est pas terminée. Pour le professeur de droit Randall Eliason, « il va désormais y avoir de nouvelles batailles judiciaires et il est peu probable qu’on voie les documents financiers de Trump avant l’élection – ou même jamais ». Il n’est toutefois pas exclu que le dossier continue d’empoisonner la vie de Donald Trump s’il était réélu en novembre. Ou qu’il fasse l’objet de poursuites au pénal en 2021 si Joe Biden s’impose.