Coronavirus : La CGT a-t-elle refusé de prêter un château pour les rapatriés de Chine ?
FAKE OFF•Un article de « Valeurs actuelles » affirme (un peu vite) que la CGT aurait refusé la demande du gouvernement d’héberger les Français rapatriés de Chine à cause du coronavirusAlexis Orsini
L'essentiel
- La CGT a-t-elle refusé d’héberger les Français rapatriés de Chine à cause du coronavirus ?
- C’est ce qu’affirme l’hebdomadaire Valeurs actuelles dans un article affirmant que le syndicat, sollicité par le gouvernement, n’a pas voulu prêter l’un de ses châteaux.
- Or, la CGT ne possède pas de château, et l’organisme concerné par cette demande affirme à 20 Minutes avoir donné son accord.
La CGT aurait-elle récemment agi de manière contraire aux valeurs d’entraide portée par le syndicat ? C’est en tout cas ce qu’affirme Valeurs actuelles dans un article intitulé « La CGT pas si solidaire », publié le 12 février.
« Avant que les 200 Français de Wuhan, épicentre de l’épidémie de coronavirus, soient rapatriés en France, fin janvier, et confinés dans un centre de vacances à Carry-le-Rouet (Bouches-du-Rhône), Matignon avait sollicité la CGT afin que celle-ci mette à leur disposition l’un des 15 (environ) châteaux qu’elle possède », affirme ainsi le début de l’article.
« La centrale syndicale a répondu par la négative à la requête du gouvernement… Un geste de solidarité qui n’a visiblement pas paru pertinent au syndicat de Philippe Martinez », conclut l’hebdomadaire. Quitte à attribuer à la CGT des châteaux qui ne lui appartiennent pas.
FAKE OFF
Contacté par 20 Minutes, Matignon affirme ne pas avoir connaissance d’un « tel scénario », tandis que la CGT indique qu’elle « n’a pas été sollicitée par le gouvernement, tout simplement car [elle ne possède] aucun château ».
« En employant ce terme de "châteaux" […], Valeurs actuelles entretient l’idée que notre organisation vit peut-être dans un conte de fées mais ces éléments relèvent tout simplement de la fable, reprend le syndicat. A moins qu’il n’y ait tout simplement une confusion de leur part avec des centres de vacances gérés par des comités d’entreprise où la CGT est parfois majoritaire, [comme la] Caisse centrale d’activités sociales (CCAS). »
« Il ne s’agit pas de châteaux au sens propre mais de centres de vacances [installés dans d’anciens châteaux] : il y a de moins en moins de châteaux dans le patrimoine de la CCAS car leur entretien coûte très cher », nous précise la Fédération nationale des mines et de l’énergie (FNME) CGT. La CCAS en a bien mis en vente ces dernières années, à l’instar du château de Béron, à Cappelle-en-Pévèle (Hauts-de-France), qui a trouvé acquéreur en 2019.
« Ces propriétés appartiennent à l’industrie électrique et gazière de France »
Si la CGT est bien majoritaire au sein du conseil d’administration de la CCAS depuis de longues années, elle n’est pas pour autant propriétaire de ce patrimoine immobilier, comme nous le confirme son président, Nicolas Cano, également membre du syndicat.
« La CCAS est l’équivalent d’un comité d’entreprise, sans en être vraiment un car elle est régie par décret et n’est pas rattachée à une entreprise mais à une branche, celle de l’industrie gazière. Nous ne sommes donc pas "le comité d’entreprise d’EDF" comme on le lit souvent, mais celui de tous les salariés du secteur, ce qui représente 650.000 bénéficiaires (les actifs, les retraités et leurs familles). Ces propriétés appartiennent à l’industrie électrique et gazière de France », explique-t-il.
« Ce patrimoine est utilisé pour les activités sociales des salariés, il compte notamment une trentaine de campings et 45 autres propriétés en dur, dont la plupart sont des centres de vacances classiques », poursuit le président de la CCAS.
« Nous avons donné un accord de principe »
Nicolas Cano confirme en revanche que la CCAS a bien été contactée en vue d’accueillir les Français rapatriés de Chine : « Nous avons été sollicités par différentes préfectures pour mettre à disposition deux centres de vacances, et nous avons donné un accord de principe pour cet accueil de solidarité. J’en ai fait part à ma fédération [CGT] qui s’est exprimée dans la foulée. »
Dans un communiqué en date du 29 janvier, la FNME CGT affirmait en effet elle-même avoir été contactée par le gouvernement dans le cadre des mesures de prévention de l’épidémie de coronavirus : « Pour mener cette démarche [de mise en quarantaine des rapatriés], le gouvernement est en recherche d’infrastructures d’accueil qui ne soient pas des camps retranchés mais qui respectent un niveau de confort minimum. C’est donc tout naturellement que les activités sociales des électriciens et gaziers sont actuellement sollicités par les autorités pour permettre l’accueil de ces expatriés. »
Le communiqué, dénonçant le prétendu double discours d’un gouvernement critiquant durement les grévistes du secteur avant de solliciter leur aide, se concluait donc par ceci : « En l’état, les électriciens et gaziers en grève contre le projet de loi de réforme des retraites ne cèderont à aucune pression ».
« La CGT était dans son rôle en dénonçant la demande du gouvernement au vu du contexte très tendu avec les syndicats, affirme Nicolas Cano. Notre accord [celui de la CCAS] reste donné sous réserve d’accessibilité des lieux : actuellement, des enfants occupent par exemple les centres de vacances donc ce ne serait pas possible. Mais nous sommes en ce moment même en discussion pour valider des sites de rapatriement ».
Certaines propriétés de la CCAS ont en outre bien servi à des fins solidaires ces dernières années, à l’instar du château de Blomard (Allier), temporairement transformé en centre d’accueil et d’orientation pour mineurs isolés.