Brexit : Ce qui va changer (et ce qui va rester flou) au 1er février
OUT (MAIS PAS TROP)•Le Brexit sera effectif vendredi à minuit. Pourtant, de nombreuses questions restent en suspens
Romarik Le Dourneuf
L'essentiel
- Ce vendredi, le Royaume-Uni sortira officiellement de l’Union européenne. Mais que va-t-il se passer pour les citoyens des deux côtés de la Manche ?
- Une période transitoire, qui durera jusqu’au 31 décembre 2020, maintiendra le statu quo.
- Durant ce laps de temps, de nombreux points seront discutés.
«Ce n’eeesst qu’un au revoiiiiiir… ». Le chant choisi par les parlementaires européens, cette semaine, pour saluer leurs (ex)-collègues britanniques, est pertinent. Car le Brexit n’est pas encore un adieu. Dans les faits, nos voisins d’outre-Manche ne feront plus partie de l’Union européenne à compter de ce vendredi 23h. Mais c’est seulement à ce moment-là que les (vraies) négociations vont commencer, pour s’achever – normalement – au plus tard le 31 décembre 2020.
Que va-t-il concrètement se passer pour les citoyens ? En réalité, par grand-chose, puisqu’une période transitoire va maintenir le statu quo et alimenter le flou pour les questions du quotidien.
Pour l’Europe, moins d’habitants
Première conséquence du Brexit, la démographie : l’Europe va être moins peuplée. Les députés britanniques quittent le Parlement européen, et avec eux 66 millions d’habitants. Plus aucun représentant du Royaume-Uni ne peut faire partie d’un organe exécutif de l’Union européenne, et les citoyens britanniques ne peuvent plus prétendre à un poste de fonctionnaire à Bruxelles. L’AFP rapporte toutefois que certains ont déjà demandé une double nationalité pour conserver leur place.
Pour les citoyens, le statu quo
Si l’accord conclu entre l’Union européenne et le Royaume-Uni laisse planer le doute sur de nombreux points, celui de la condition des expatriés est en grande partie réglé. Que ce soient les ressortissants britanniques d’un pays européen ou les membres de l’UE résidant sur les terres de la reine Elisabeth II, tous gardent les droits en vigueur avant le Brexit (égalité de traitement pour le travail et la justice, santé, prestations sociales, regroupement familial…).
Les Européens qui résident au Royaume-Uni doivent tout de même faire une demande de « settled status » (statut de résident permanent, moyennant 65 livres – environ 75 euros). La période transitoire le permet également pour tout ressortissant de l’Union qui s’installerait au Royaume-Uni avant le 31 décembre 2020. L’enregistrement, ouvert depuis mars 2019, sera possible jusqu’au 30 juin 2021.
De la même manière, les Britanniques qui résident en France conservent leurs droits. A une exception près : en perdant leur citoyenneté européenne, ils perdent aussi leur droit de vote aux élections locales et celui de participer à un conseil municipal (on comptait 757 Britanniques dans ce cas en 2019). Une source européenne nous confie que la situation des ressortissants britanniques est encore en réflexion : « Cela pourrait se faire par une procédure de reconnaissance automatique, ou par un procédé similaire au "settled status", à savoir une demande à effectuer auprès des autorités françaises ».
Pour les personnes qui envisagent de déménager vers le Royaume-Uni après la période transitoire (qui pourrait être prolongée de deux ans, sur demande des dirigeants britanniques, avant le mois de juillet prochain), c’est le flou total. Personne ne sait quels critères seront appliqués à l’avenir. Visas ? Conditions de revenus ? De travail ? Il faudra guetter les négociations. La même source européenne assure que des discussions sont en cours pour maintenir une liberté de circulation entre les deux blocs : « Nous avons posé deux principes. Le premier est celui de la réciprocité : les mêmes droits doivent être accordés aux Européens qui se rendent au Royaume-Uni et aux Britanniques qui font le chemin inverse. Le second condition illustre le terme de "bloc". Nous souhaitons une non-discrimination absolue au sujet des citoyens de l’UE. Les ressortissants de tous les pays membres doivent bénéficier des mêmes droits et conditions pour se rendre et séjourner au Royaume-Uni ».
Pour les étudiants Erasmus +, un maintien mais des précautions
L’une des plus belles réussites de l’Europe, c’est Erasmus (Erasmus + depuis 2014) : le programme de mobilité et d’échange pour les étudiants en Europe totalise 9 millions de participants depuis sa création, en 1987. Et pendant des années, le Royaume-Uni a été l’une des destinations préférées des jeunes Français. Supplantées par leurs homologues espagnoles depuis l’annonce du Brexit, les universités britanniques restent prisées et beaucoup de Français y effectuent une partie de leurs études.
Pour eux, aucun souci à se faire à compter du 1er février. Les accords signés récemment garantissent que tous les programmes Erasmus + commencés avant le Brexit iront jusqu’à leur terme, quelle que soit leur durée. Aucun changement n’interviendra, que ce soit pour les frais d’inscriptions, les droits au logement, les bourses ou les alternances. Il est même toujours possible de déposer une demande jusqu’à la clôture des projets, soit le 4 février pour les études supérieures et le 24 mars pour les partenariats.
Au-delà, rien ne dit que le Royaume-Uni ne sera pas définitivement exclu du programme. A moins qu’il ne fasse la demande d’adhésion à Erasmus + moyennant contreparties financières, comme c’est le cas depuis quelques années de la Turquie, de l’Islande, de la Norvège ou encore de la Serbie.
Mais parce que le Brexit est plein de rebondissements, il est préférable de prendre ses précautions. Ainsi, certaines universités britanniques ont conseillé à leurs étudiants étrangers de faire une demande de visa de résident pour pouvoir finir leur cycle d’études en cas de rupture brutale des négociations avant la fin de la période transitoire. La situation pourrait également concerner les candidats à un programme Erasmus + qui candidatent pour des formations à venir après le 1er février. Contacté par 20 Minutes, le programme Erasmus + en France confie ne pas pouvoir anticiper.
Pour le tourisme, un regard sur les taux de change
Tous les Français qui se rendent au Royaume-Uni ne souhaitent pas y étudier ou travailler. Beaucoup ne veulent profiter que de la fameuse gastronomie anglaise ou s’assurer de la présence d’un monstre dans les lacs d’Ecosse. Pour ces touristes, les conditions de voyage sont très incertaines. La période transitoire garantit bien la libre circulation des personnes, et le secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, Jean-Baptiste Lemoyne, l’a assuré : « Rien ne change pour les Français qui se rendent au Royaume-Uni, ni pour les Britanniques qui se rendent en France ». Mais les acteurs du tourisme sont sceptiques.
Le Royaume-Uni ne faisant pas partie de l’espace Schengen, la question d’un visa et de ses conditions d’obtention pourrait réapparaître, surtout en cas de No deal final. Notre source européenne précise à ce sujet : « L’Union européenne et le Royaume-Uni se sont mis d'accord sur le principe de séjours courts sans visa, avec réciprocité ».
La préoccupation majeure du secteur est le taux de change entre la Livre sterling et l’Euro. Une dépréciation de la Livre profiterait aux Français (et autres membres de la zone Euro) qui veulent traverser le Channel, puisque leur pouvoir d’achat augmenterait (et avec lui le bonheur des commerçants locaux). Les Britanniques, eux, perdraient du pouvoir d’achat et pourraient s’orienter vers des destinations touristiques moins onéreuses que la France. Et cette réflexion pourrait se retourner totalement si l’Euro se dépréciait fortement face à la Livre.
Autre sujet, celui du roaming (itinérance en français), pratique consistant à facturer des frais supplémentaires pour l’utilisation des réseaux téléphoniques et d’Internet si le client traverse une frontière. Il a été aboli en 2017, mais pourrait réapparaître.
De la même manière, la protection juridique européenne des vols aériens, soutien précieux aux voyageurs, ne s’appliquera peut-être plus après la fin de la période transitoire.
Les consommateurs dans l’expectative
Les amateurs d' achats en ligne peuvent se rassurer. La période transitoire laisse inchangées les règles du commerce entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, ce qui signifie que le consommateur garde les mêmes droits et protections. Seulement, aucune garantie n’est donnée après la fin de l’année. Ainsi, le délai de 14 jours de rétractation ou la garantie légale de conformité de deux ans pourraient ne pas être conservés.
De la même manière, la réglementation européenne contraint les constructeurs et fournisseurs à un certain niveau de qualité de fabrication et sanitaire. Tous ces règlements pourraient ne pas être acceptés par le Royaume-Uni dans le cadre des négociations. Enfin, la question des droits de douane pourrait faire grimper la note pour les acheteurs. A moins que des accords spécifiques ne soient trouvés.