Procès Weinstein, jour 3 : « Mythes » du viol démontés, corroboration et « liste rouge »
COMPTE-RENDU•L’accusation veut prouver que le producteur était « un prédateur expérimenté »P.B. avec AFP
Au troisième jour du procès Weinstein, la stratégie de l’accusation suit les mêmes lignes que celles du second procès de Bill Cosby : effectuer un travail de sape, accusatrice après accusatrice, pour préparer le témoignage des deux plaignantes accusant le producteur de viol et d’agression sexuelle. Le but des procureurs est de prouver qu’Harvey Weinstein était un « prédateur » qui a ciblé et menacé ces femmes. Et risque, en cas de condamnation, de passer le reste de sa vie derrière les barreaux.
Le témoignage de la veille corroboré
Jeudi, c’était l’actrice Annabella Sciorra qui avait assuré avoir été « violée » par le producteur en 1993. Les faits présumés sont prescrits, mais le juge a autorisé son témoignage, non pas pour prouver que le producteur était susceptible d’avoir récidivé, mais pour que le jury puisse examiner s’il a agi de manière similaire, avec le même état d’esprit.
Bien qu’elle n’ait pas parlé publiquement de ce viol jusqu’en octobre 2017, Sciorra avait témoigné jeudi en avoir parlé à une amie, l’actrice Rosie Perez (Do The Right Thing). Vendredi, cette dernière a comparu comme témoin et a bien indiqué avoir parlé à Annabella Sciorra, la nuit de son agression présumée.
A la demande de la procureure, Rosie Perez a montré du doigt Harvey Weinstein, assis avec ses avocats. L’ex-magnat d’Hollywood lui a fait signe de la main. « Annabella m’a dit ''Je crois que quelque chose de grave est arrivé. Je crois que c’était un viol'' », a déclaré l’actrice nommée aux Oscars pour Etat second. Quelques mois après, selon Rosie Perez, Annabella Sciorra lui a révélé qu’Harvey Weinstein était l’agresseur. « Je lui ai dit, ''S’il te plait, parle à la police''. Mais elle m’a dit, ''Je ne peux pas, il me détruira'' ».
Annabella Sciorra et Rose McGowan sur une « liste rouge »
Harvey Weinstein voulait recueillir des informations sur les femmes susceptibles de le dénoncer, a raconté à la barre un détective privé. Sam Anson a expliqué avoir reçu un courrier électronique d’Harvey Weinstein mi-août 2017, un peu moins de deux mois avant la publication des révélations du New York Times et du New Yorker.
Le message contenait une « liste rouge » de personnes sur lesquelles l’ancien patron du studio Miramax demandait au privé d’enquêter. Il l’a également appelé pour préciser sa requête.
« Il disait qu’il s’inquiétait de la préparation d’articles évoquant son comportement sexuel de manière négative », a témoigné Sam Anson, qui a assuré ne pas avoir donné suite à cette demande.
Dans cette liste figuraient notamment, selon l’enquêteur, les noms des actrices Annabella Sciorra et Rose McGowan, qui affirment avoir été violées par Harvey Weinstein.
Démonter les « mythes » du viol
Vendredi matin, le tribunal avait entendu un autre témoin de l’accusation, la psychiatre Barbara Ziv, qui avait témoigné au procès de la star de la télé américaine Bill Cosby, condamné pour agression sexuelle. La procureure de Manhattan, Joan Illuzzi-Orbon, l’a citée pour démonter « certains mythes » sur les agressions sexuelles.
L’experte a notamment souligné que la plupart des agressions sexuelles étaient commises par une connaissance de la victime et non par un inconnu et qu’il était faux de penser que les victimes signalaient généralement leur agression à la police ou à des amis.
Les avocats de la défense ont cité de multiples échanges entre Weinstein et la femme supposément violée en 2013, Jessica Mann, montrant selon eux qu’ils avaient eu « une relation amoureuse » après le viol présumé, insinuant qu’elle n’avait pas pu être violée. Ils ont aussi essayé jeudi de saper la crédibilité d’Annabella Sciorra en soulignant qu’elle avait tu son viol supposé pendant des années et qu’elle avait continué à croiser le producteur, sans le confronter. « C’est la norme que de rester en contact » avec son agresseur, a souligné Barbara Ziv. « Ces contacts peuvent aller de SMS ou e-mails jusqu’à une relation qui continue ».
Lors d’un contre-interrogatoire, l’avocat de la défense Damon Cheronis a demandé à l’experte Ziv s’il était possible qu’avec les années, « par honte », des femmes qualifient de viol ce qui avait été un rapport sexuel consensuel. « Tout est possible, (mais) ce n’est pas habituel, » a répondu la psychiatre.