Non, cette vidéo ne montre pas un Ouïghour en Chine

Non, cette vidéo ne montre pas un Ouïghour victime de la répression en Chine

FAKE OFFLes images d'un homme passé à tabac sont devenues virales. Elles ne montrent pas un Ouïghour dans un « camp d'éducation » en Chine, contrairement à la légende qui les accompagne
Mathilde Cousin

Mathilde Cousin

L'essentiel

  • Une vidéo montrant un homme battu par un homme en uniforme est devenue virale. Elle est présentée comme montrant un Ouïghour victime de la répression en Chine.
  • Les images datent d’au moins mai 2017. Elles proviennent d’Indonésie.
  • Les Ouïghours font l’objet d’une importante répression en Chine.

Les images sont violentes. Elles montrent un homme battu par un homme portant un treillis. L’homme, à terre, pousse des cris de terreur. L’homme en treillis le frappe avec un bâton. A plusieurs reprises, sa victime est visée à la tête. Au moins deux autres personnes assistent à la scène. L’une d’entre elles porte un uniforme bleu. Seuls les uniformes donnent des pistes sur l’endroit où s’est déroulée une telle violence. Les murs et le sol, blancs, fournissent peu d’indices.

« Cela se déroule en ce moment, explique l’administrateur du compte Instagram qui a posté la vidéo. Voilà à quoi ressemblent les " camps d’éducation " en Chine. Ne jamais délaisser les douas (invocations faites à dieu) pour nos frères Ouïghours musulmans. »

L'homme est battu à la tête à plusieurs reprises.
L'homme est battu à la tête à plusieurs reprises. - Capture d'écran Instagram

La vidéo a été partagée le 1er décembre sur Instagram par le compte islam_espace_insta, qui a près de 43.000 abonnés. Le compte renvoie vers le site d’une agence qui propose d’accompagner les musulmans qui le veulent pour qu’ils s’installent au Maroc, au Qatar ou aux Emirats arabes unis. La vidéo a été repostée le même jour sur Twitter, où elle a été partagée plus de 5.500 fois.

FAKE OFF

La vidéo n’a pas été tournée en Chine, mais en Indonésie. Une recherche inversée d’images grâce à l’outil InVid permet de remonter la piste : la recherche renvoie vers une vidéo postée sur YouTube en juin 2017. La description de la vidéo est en indonésien. Une seconde recherche à l’aide des mots-clés de la vidéo renvoie vers un site d’actualité indonésien.

Tribun Medan, un site du groupe Kompas Gramedia, explique, dans un article paru le 24 mai 2017, que la vidéo a été mise en ligne par le compte Instagram alvin_411. Le post a depuis été supprimé. Selon ce compte, l’homme dans la vidéo serait soupçonné d’être l’auteur d’une attaque à l’arme blanche, une épreuve pour rentrer dans un « gang ».

Des uniformes indonésiens

L’uniforme bleu d’un deuxième homme visible dans la vidéo, ainsi que l’inscription PKD sur son casque, montrent que celui-ci est membre d’une unité de sécurité qui exerce en Indonésie. L’uniforme de l’homme qui violente l’homme à terre est semblable à celui de l’armée indonésienne. Il est donc hautement probable que la vidéo ait été tournée en Indonésie.

L'homme qui se tient à gauche porte l'uniforme d'une unité de sécurité indonésienne.
L'homme qui se tient à gauche porte l'uniforme d'une unité de sécurité indonésienne. - Capture d'écran Instagram

Au début de l’année 2018, la vidéo avait déjà circulé en Turquie, là encore présentée à tort comme montrant un Ouïghour victime de la répression chinoise, rappelle Teyit, un site turc spécialisé dans le fact-checking.

Un million de Ouïghours, une ethnie turcophone musulmane de la province du Xinjang, se trouveraient dans des camps de « rééducation », selon Amnesty International, Human Rights Watch et des défenseurs chinois des droits de l’homme. Des documents officiels chinois, révélés par le New York Times le 16 novembre, détaillent comment ces camps se sont développés à partir de 2016. Le gouvernement chinois conteste ce chiffre d’un million et parle de « centres de formation professionnelle » afin de lutter contre l’islamisme, le séparatisme et le terrorisme.

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