DICTATURELe juge espagnol Baltasar Garzon veut instruire les crimes du franquisme

Le juge espagnol Baltasar Garzon veut instruire les crimes du franquisme

DICTATUREIl s'est déclaré compétent ce jeudi pour enquêter sur ce dossier et a ordonné l'ouverture de plusieurs fosses communes...
M.Gr. (avec agence)

M.Gr. (avec agence)

C’est un coin de lande près de Grenade, entre Viznar et Alfacar, une région belle comme le jour. Mais aussi un cimetière improvisé, un condensé de tout le XIXe siècle de l’histoire espagnole. Dans les semaines qui viennent, des policiers vont retourner la terre et mettre brutalement à jour un passé que certains voudraient oublier.


Le juge Baltasar Garzon a décidé ce jeudi d’autoriser l’exhumation de la dépouille du maître d'école Dioscoro Galindo, exécuté en 1936 par les franquistes et enterré dans la même fosse commune que le poète Federico Garcia Lorca, qui a connu ce même sort tragique. La petite-fille du maître d'école souhaite depuis toujours vérifier que les restes de son aïeul se trouvent bien dans la fosse. Pour faire le deuil. Elle avait présenté une demande en ce sens auprès du juge Garzon, avec l'appui d'une association de familles de victimes du franquisme, l'ARMH.


Tournant


L’ouverture de cette triste fosse symbolise le tournant que vient de prendre ce jeudi la justice espagnole à propos des actes commis par le régime franquiste. Le juge Garzon estime que les crimes contre l'Humanité ne peuvent être amnistiés, ce qui justifie l'ouverture de son instruction sur les dizaines de milliers de victimes républicaines de la guerre civile (1936-39) et de la dictature franquiste (1939-75) oubliées dans des fosses communes. Il évoque un chiffre de 114.266 disparus.


«Toute loi d'amnistie qui cherche à effacer un crime contre l'Humanité, qui ne peut être assimilable à un crime ou délit politique, sera nulle de plein droit», appuie le juge dans son procès-verbal.


Poursuites


Dans ce document de 68 pages, le magistrat a ordonné l'ouverture de fosses communes dans 19 localités. Il réclame dans un délai de dix jours des certificats de décès du général Franco et de 34 hauts responsables de son régime, afin de pouvoir déclarer l'extinction de l'action pénale à leur encontre.


Il dévoile également son intention d'engager d'éventuelles poursuites contre d'ex-dirigeants, entre 1936 et 1951, de la Phalange, un parti d'extrême-droite allié à Franco, en demandant au ministère de l'Intérieur de les identifier.


Mais le débat ne s’est pas éteint. Le parquet de l'Audience nationale, le tribunal dont dépend Garzon, va faire appel. Il considère que les crimes visés par le juge sont prescrits, en raison de la loi d'amnistie votée par les partis politiques espagnols au nom de la réconciliation nationale en 1977, deux ans après la mort du dictateur Francisco Franco. Une loi souvent appelée le «Pacte du silence».


Dualité


Les Espagnols sont partagés. De nombreuses associations, qui avait obtenu notamment l’adoption d’une loi de réhabilitation des victimes du franquisme en 2007, soutiennent Garzon et se sont félicités de sa décision. Mais beaucoup de foyers ne veulent pas «rouvrir les blessures du passé», selon l’expression de la droite.


La famille de Garcia Lorca résume la dualité d’une population. Elle s'était toujours opposée à l'ouverture de la fosse commune du poète, qui contient également les restes de deux toreros anarchistes. Avant d’annoncer finalement en septembre au quotidien «El Pais» qu'elle ne s'opposerait pas à l'ouverture. «Nous ne l'empêcherons pas. Même si nous aimerions que cela ne se fasse pas, nous respectons le désir des autres parties impliquées», avait sobrement déclaré Laura Garcia Lorca, la nièce du poète.