Brexit : Les entreprises britanniques stockent à tout va avant la date fatidique
ANGLETERRE•Un Brexit sans accord mais pas sans réservesJ.-L.D. avec AFP
Vin, feuilletés-saucisse, insuline et papier toilette : à moins d’un mois de la date prévue du Brexit, les entreprises britanniques accélèrent leurs préparatifs et stockent à tout va, le secteur alimentaire s’inquiétant particulièrement des tracas administratifs et retards à la douane.
Le fabricant de papier toilette et essuie-tout allemand Wepa, principal fournisseur du Royaume-Uni, a annoncé qu’il avait accumulé de quoi tenir un siège : 3,5 millions de rouleaux. Les Britanniques peuvent souffler.
FAQ pour PME
« Préparez-vous pour le Brexit » est devenu un véritable mantra du gouvernement britannique, répété sur des panneaux et affiches tandis que les autorités tiennent des foires d’informations à travers le pays pour les PME.
Le Premier ministre Boris Johnson a fait de sa principale promesse de campagne une sortie de l’Union européenne le 31 octobre « quoi qu’il arrive », accord ou pas. Or, il vient de proposer de nouvelles pistes de négociations à l’UE – accueillies frileusement – et des documents présentés à la justice vendredi semblent indiquer qu’il pourrait demander un report malgré ses démentis.
Vers une pénurie de médicaments ?
Devant ce brouillard épais, beaucoup d’entreprises stockent autant de matériaux que possible. Le gouvernement lui-même prévoit que certains aliments – notamment des produits périssables comme les fruits – pourraient venir à manquer tout comme certains médicaments vitaux comme l’insuline, en cas de Brexit sans accord.
Les petites entreprises comme le détaillant et vendeur de gros de produits bio Watson and Pratt’s ont fait leur possible pour se plonger dans les arcanes de formalités douanières auxquelles elles n’avaient jamais eu à se confronter avec le marché unique européen…. mais admettent qu’elles seront impuissantes face aux potentiels retards des camions de livraisons à la douane.
Chaos is coming
« Le gros problème est qu’il y ait encore une telle incertitude », remarque Rosalind Sharpe, du Centre de recherche sur les politiques alimentaires à l’université de City, University of London. « Les entreprises ne savent vraiment pas ce qui va se passer et dans ce contexte elles se préparent comme elles peuvent », ajoute-t-elle. « Des mesures ont été prises mais il ne fait aucun doute que si nous quittons l’UE le 31 octobre sans accord, il y aura du chaos dans les ports, il y aura des pénuries », insiste-t-elle.
Le gouverneur de la Banque d’Angleterre Mark Carney a reconnu le mois dernier « des progrès dans les préparatifs » mais prévoit encore une contraction totale du PIB britannique qui pourrait atteindre 5,5 % en cas de sortie sans accord.
La faiblesse de la livre sterling n’arrange rien
« Nous sommes pleinement préparés mais nous nous inquiétons d’une hausse des coûts », souligne le négociant en vins Daniel Lambert, expliquant que ses coûts d’importation ont déjà largement augmenté à cause de la faiblesse de la livre sterling, qui a perdu environ 15 % depuis le référendum sur le Brexit. Il craint toutefois une hausse des frais de logistique – « les entreprises feront payer le temps supplémentaire aux douanes ».
Ben Pratt, l’un des dirigeants de Watson and Pratt’s, souligne qu’il va peut-être devoir pour la première fois faire appel à un agent de douanes, une charge importante pour une PME. Quant aux potentiels retards dans l’acheminement de produits fragiles : « le consommateur paiera-t-il le même prix » si les salades ou nectarines arrivent noircies après des nuits bloquées aux postes-frontières ?
Et de prévenir : il n’y aura plus forcément toujours des tomates tous les jours de l’année, ou de fraises à Noël.