Primaire démocrate : « Sleepy Joe » Biden se réveille, Beto brille, rien ne bouge
USA 2020•Le troisième débat entre les candidats démocrates ne devrait pas chambouler une course dominée par Joe Biden, Elizabeth Warren et Bernie SandersPhilippe Berry
Il était attendu au tournant. Après avoir été mis K.O. lors du premier débat de la primaire démocrate et enchaîné les gaffes par la suite, Joe Biden avait besoin de rassurer sur ses facultés et son énergie. Mission accomplie, surtout lors des 90 premières minutes lors desquelles il s’est montré incisif face à Bernie Sanders et Elizabeth Warren. Sur la scène de Houston, jeudi soir, le Texan Beto O’Rourke a réussi à marquer des points sur les armes à feu, cinq semaines après la tuerie d'El Paso. Au final, la soirée ne devrait pas bouleverser le classement, à cinq mois du premier scrutin.
« Sleepy Joe » se réveille
Surnommé « Sleepy Joe » (Joe l’endormi) par Donald Trump, Biden, 76 ans, a attaqué pied au plancher, martelant avec énergie en ouverture : « Nous sommes les Etats-Unis d’Amérique. Jamais, lorsque nous nous sommes décidés à faire quelque chose, avons-nous été incapables de le faire. »
Lors des premières minutes, le favori des sondages (27 %, selon la moyenne de RealClearPolitics) a bataillé sur sa gauche avec ses deux dauphins, Bernie Sanders et Elizabeth Warren. Biden, qui se positionne au centre, s’est attaqué au coût de leur projet de réforme de la santé « Medicare for all », qui veut replacer les assurances privées par un système public pour tous.
Dans la foulée, l’ancien vice-président a été pris pour cible par le jeune Julian Castro, qui l’accusait de se contredire. « Avez-vous déjà oublié ce que vous avez dit il y a deux minutes ? », a lancé l’ancien ministre du Logement d’Obama, dans une attaque au-dessous de la ceinture sur l’âge de Joe Biden.
Ce dernier a esquivé, laissant le public huer Castro – qui, en plus, avait tort sur le fond. Enfin, alors qu’il avait tendance à s’arrêter en plein milieu d’une réponse quand le chrono était écoulé, Joe Biden a cette fois persisté, justifiant : « Je vais déborder comme tout le monde. » Il s’est parfois montré confus mais a assuré l’essentiel.
« Hell yes, on va prendre vos [armes de guerre] », le moment de Beto
Après avoir fait trembler Ted Cruz lors de la sénatoriale de 2018, O’Rourke – qui est surtout connu par son simple surnom d’enfance « Beto » – n’avait jusqu’ici pas réussi à trouver sa voix. Mais depuis la tuerie d’El Paso, le Texan s’est saisi du débat sur les armes à feu. Alors qu’il milite pour un programme gouvernemental de rachat des fusils semi-automatiques, Beto a insisté : « Hell yes, on va prendre vos AR-15 et vos AK-47. Je le ferai si c’est une arme conçue pour tuer sur le champ de bataille. Ces munitions à haute vélocité déchiquettent vos organes car elles ont été conçues pour ça. A Odessa, j’ai parlé à une mère qui a vu sa fille de 15 ans se vider de son sang car il y avait trop de personnes touchées par un AR-15 et pas assez d’ambulances. »
Un débat pour rien ?
Hormis Julian Castro qui s’est sans doute grillé, personne n’a véritablement commis de faux pas fatal. Elizabeth Warren et Bernie Sanders ont toujours du mal à se différencier l’un de l’autre, et ils ont été tenus en retrait des échanges sur les armes à feu et l’immigration. Kamala Harris, elle, n’a pas réussi à rééditer sa performance du premier débat.
Pete Buttigieg est toujours aussi posé mais n’a pas eu de moment marquant, sauf quand il a parlé de son coming-out. L’entrepreneur Andrew Yang, de son côté, a promis de payer un revenu universel de 1.000 dollars par mois à dix familles avec les fonds de sa campagne – mais ça pourrait être illégal. Cory Booker, enfin, est sans doute l’orateur le plus talentueux du lot, mais il peine pour le moment à dépasser les 2 % dans les sondages. Ces outsiders devront prendre davantage de risques le mois prochain s’ils veulent menacer le trio de tête.