«Sea-Watch 3»: La capitaine du navire, Carola Rackete, entendue par les magistrats italiens
AUDITION•Carole Rackete a été arrêtée le 29 juin pour avoir accosté de force, à Lampedusa, pour y faire débarquer des migrants secourus par son navire, le « Sea-Watch 3 »20 Minutes avec AFP
Poursuivie pour avoir accosté de force à Lampedusa (Italie), pour débarquer des migrants secourus en mer, Carola Rackete, la capitaine du Sea-Watch 3 a été convoquée, ce jeudi matin, par des procureurs du parquet d’Agrigente (Sicile), qui la soupçonnent d’aide à l’immigration clandestine.
Carole Rackete, 31 ans, a été arrêtée le 29 juin pour avoir pénétré dans les eaux territoriales italiennes malgré le veto mis par le ministre italien de l’Intérieur Matteo Salvini (extrême droite) puis accosté de force pour faire débarquer 40 migrants secourus par le Sea-Watch 3 et bloqués à son bord pendant plus de deux semaines.
Le Sea-Watch 3 reste sous séquestre dans le port sicilien de Licata
Trois jours plus tard, une juge a invalidé l’arrestation, estimant que l’accusation de violence envers un navire de guerre n’était pas constituée et que la jeune femme avait agi pour sauver des vies. Le parquet d’Agrigente s’est pourvu en cassation cette semaine contre cette décision, dans l’espoir d’obtenir une jurisprudence établie. Quelques jours après le Sea-Watch 3, le voilier Alex a accosté sans y être autorisé à Lampedusa et cela risque de se reproduire.
En attendant, le Sea-Watch 3 reste sous séquestre dans le port sicilien de Licata et Carola Rackete, libre de ses mouvements, est toujours visée par deux enquêtes, pour résistance à un officier en pénétrant de force dans les eaux italiennes et pour aide à l’immigration clandestine. L’audition de jeudi devait porter sur ce second point : pourquoi son équipage a-t-il secouru les migrants sans attendre les garde-côtes libyens et pourquoi a-t-elle fait route vers un port italien et non pas le port libyen proposé par les autorités de Tripoli, un port tunisien plus proche ou encore un port des Pays-Bas, dont son bateau arbore le pavillon ?
Près de 1,4 million d’euros récoltés pour financer les frais de justice et l’ONG
Depuis près de deux ans, ces enquêtes sont quasi-systématiques pour les navires humanitaires faisant débarquer des migrants en Italie. En mars 2017, le bateau espagnol Open Arms avait été placé sous séquestre et ses deux responsables poursuivis pour avoir refusé de remettre des migrants aux garde-côtes libyens. Un juge avait levé les séquestres au bout d’un mois, au motif que la Libye n’était pas un pays sûr pour les migrants. Le parquet de Catane (Sicile) a récemment classé l’affaire sans suite pour les deux responsables.
Ce même parquet a aussi classé une enquête similaire contre l’ONG Sea-Watch après une opération de secours en janvier, concluant que les décisions de l’équipage étaient justifiées. Les manœuvres du Sea-Watch 3 fin juin ont cependant constitué une nouvelle étape dans la guerre d’usure que se livrent Matteo Salvini et les ONG de secours en mer. L’arrestation de la jeune capitaine a provoqué un vaste mouvement de soutien, concrétisé par les plus de 1,4 million d’euros collectés en quelques jours via Internet pour régler ses frais de justice et financer la poursuite des activités de l’ONG allemande.
Carola Rackete, une « emmerdeuse » et une « criminelle » pour Matteo Salvini
Le Parlement de Catalogne et la Ville de Paris ont annoncé leur intention de décorer Carola Rackete. L’annonce de Paris a provoqué la colère de l’extrême droite italienne, qui a relevé – tout comme l’ONG allemande d’ailleurs – le silence du gouvernement français pendant les 15 jours où la jeune capitaine a multiplié les appels en vue de trouver un port sûr pour les migrants secourus.
Parallèlement, Matteo Salvini est encore allé plus loin dans sa dénonciation des ONG « complices des passeurs », s’en prenant personnellement à Carola Rackete, qu’il a qualifiée pendant des semaines d'« emmerdeuse », de « criminelle ». La jeune femme a la semaine dernière porté plainte pour diffamation et incitation au délit, relevant que chaque message haineux du ministre italien sur les réseaux sociaux suscitait une floraison de commentaires encore plus sexistes, violents et menaçants.