POLITIQUELe vice-chancelier d'extrême-droite autrichien démissionne

Autriche: Compromis par une caméra cachée, le vice-chancelier d'extrême-droite démissionne

POLITIQUEA huit jours des élections européennes, le vice-chancelier Heinz-Christian Strache est mis en cause pour tentative de collusion avec la pseudo-nièce d'un oligarque russe
Bérénice Dubuc

B.D. avec AFP

L'essentiel

  • Heinz-Christian Strache, patron d'une des formations nationalistes les plus influentes de l'UE, a démissioné ce samedi.
  • Il a discuté, quelques mois avant les législatives de 2017, avec une femme qu'il croyait liée à une influente personnalité russe, de la possibilité d'un soutien financier en échange de l'accès à des marchés publics autrichiens.
  • La vidéo, filmée en caméra cachée, a été publiée par les médias allemands vendredi.
  • Cette affaire éclate alors que les alliés de Strache, Matteo Salvini en Italie et Marine Le Pen en France, mobilisent ce samedi les nationalistes européens à Milan, à une semaine des élections européennes.

Le vice-chancelier d'extrême droite autrichien Heinz-Christian Strache a annoncé ce samedi sa démission après la révélation d'une tentative de compromission en lien avec la Russie. Un coup de tonnerre à une semaine des européennes concernant une des principales figures d'extrême droite du continent.

«J'ai remis au chancelier Sebastian Kurz ma démission des mes fonctions de vice-chancelier et il l'a acceptée», a annoncé Heinz-Christian Strache, 49 ans, lors d'une conférence de presse à Vienne. «J'ai fait une erreur et je ne veux pas que cela puisse fournir un prétexte pour affaiblir la coalition», formée avec le chancelier conservateur Sebastian Kurz en décembre 2017, a-t-il ajouté.

Soirée arrosée à Ibiza

Secrètement filmé par une caméra cachée, le vice-chancelier Heinz-Christian Strache a discuté, quelques mois avant les législatives de 2017, avec une femme qu'il croyait liée à une influente personnalité russe, de la possibilité d'un soutien financier en échange de l'accès à des marchés publics autrichiens. Ces informations ont été publiées vendredi soir par les médias allemands Süddeutsche Zeitung et Der Spiegel.

C'est une entrée de sa pseudo-investisseuse russe au capital du puissant Kronen Zeitung, afin d'en faire un titre pro-FPÖ, que porte une partie des discussions qui se sont déroulées durant une soirée arrosée dans une villa de l'île d'Ibiza.

Comme Orban

Heinz-Christian Strache, qui est accompagné d'un de ses lieutenants, Johann Gudenus, actuel chef du groupe parlementaire FPÖ, suggère à son interlocutrice qu'il pourra en échange de ce soutien lui obtenir des marchés publics. «Elle aura tous les contrats publics remportés aujourd'hui par Strabag», un groupe autrichien de construction, acteur majeur du secteur, affirme le chef du FPÖ, selon la retranscription de ses propos.

Heinz-Christian Strache exclut les résistances au sein de la rédaction du Kronen Zeitung car «les journalistes sont les plus grandes prostituées de la planète», affirme-t-il. Depuis son retour au pouvoir en 2017, le FPÖ est accusé de s'en prendre aux médias, notamment à la télévision publique ORF qu'il accuse de manquer de neutralité. Heinz-Christian Strache explique également à son interlocutrice vouloir «construire un paysage médiatique similaire à celui d'Orban», en Hongrie. Dans ce pays, le Premier ministre Viktor Orban est critiqué pour avoir massivement porté atteinte au pluralisme de la presse.

Coup monté

Le rendez-vous d'Ibiza était en fait un coup monté pour piéger le patron du FPÖ, selon les médias allemands qui affirment ne pas savoir qui est derrière cette opération organisée trois mois avant les législatives. Le patron du FPÖ a admis auprès des journalistes que cette soirée avait bien eu lieu, mais il a nié avoir commis le moindre acte répréhensible. Selon ses déclarations au Süddeutsche Zeitung, il a invoqué «la grande quantité d'alcool consommé» ce soir-là et «l'importante barrière de la langue» avec son interlocutrice.

Selon les extraits publiés, Heinz-Christian Strache décrit également à la visiteuse un mécanisme de financement de campagne permettant de contourner la Cour des comptes via des versements à une association et non directement au parti. Il cite des dons allant de 500.000 à 2 millions d'euros et égrène le nom de grands patrons autrichiens qui financeraient le FPÖ.

Le député Johann Gudenus, qui maîtrise le russe, est chargé d'assurer la traduction des échanges. Le FPÖ avait signé avant son arrivée au pouvoir un accord de coopération avec Russie Unie, le parti de Vladimir Poutine, qui lui vaut des accusations récurrentes de liens troubles avec Moscou.

Kurz sous pression

Signe de la fébrilité au sein du FPÖ, l'eurodéputé Harald Vilimsky, tête de liste du FPÖ pour les européennes, a annulé son déplacement ce samedi à Milan où le leader de l'extrême droite italienne Matteo Salvini réunit le camp nationaliste avant le scrutin du 26 mai.

Le parti socialiste (SPÖ) a qualifié ces allégations de «plus grand scandale» des cinquante dernières années. Le parti libéral NEOS a jugé de nouvelles élections législatives «inévitables». Cette affaire, à huit jours des élections européennes, intervient dans un contexte tendu pour la coalition autrichienne, Sebastian Kurz se voyant de plus en plus reprocher son alliance avec un parti régulièrement impliqué dans des dérapages extrémistes.

Heinz-Christian Strache a succédé à Jörg Haider à la tête du FPÖ dont il s'est efforcé de lisser l'image, en cultivant un profil d'élu fréquentable après avoir frayé avec les cercles neonazis dans sa jeunesse.