JAPONLe Japon s'apprête à entrer dans l'ère Reiwa

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JAPONCette nouvelle ère impériale commencera après l’abdication de l’empereur le 30 avril prochain et le couronnement de son fils le 1er mai
Mathias Cena

Mathias Cena

De notre correspondant à Tokyo (Japon),

Heisei s’achève, place à Reiwa. Le gouvernement nippon a dévoilé lundi le nom de la prochaine ère impériale du Japon, dans laquelle le pays entrera le 1er mai, jour de la montée sur le trône du nouvel empereur, après l’abdication la veille de son père, Akihito.

La mise en scène de l’annonce elle-même, par le porte-parole du gouvernement Yoshihide Suga, était ouvertement inspirée de celle, en 1989, de l’actuelle ère Heisei – dont 2019 est la 31e et dernière année : en brandissant un panneau encadré portant les caractères chinois calligraphiés rei (« bon, « agréable ou « l’ordre) et wa (« la paix, « l’harmonie… et le « style japonais »). « Cela signifie la naissance d’une civilisation où règne une harmonie entre les êtres », a déclaré le Premier ministre Shinzo Abe.

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L’atmosphère particulière d’excitation qui a précédé l’événement, rythmée par les pronostics de chacun sur le nouveau nom, était cependant bien différente de celle du 7 janvier 1989, empreinte de sobriété, quelques heures à peine après l’annonce du décès de l’empereur Hirohito. Son fils Akihito, qui avait annoncé en 2016 son intention de laisser le trône à son propre fils, le prince Naruhito, sera le premier empereur à abdiquer depuis deux siècles.

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Le porte-parole du gouvernement Keizo Obuchi annonce le nom de l’ère Heisei, le 7 janvier 1989

Jusqu’à la dernière minute, le secret de ce gengo (« nom d’ère »), fruit de plusieurs mois de réflexions par un comité d’experts, aura été soigneusement gardé. Pour éviter que les médias ne le révèlent avant l’heure, des moyens d’exception avaient été déployés : toutes les personnes présentes lors des dernières discussions ont ainsi dû laisser leurs appareils électroniques hors de la pièce, dont eux-mêmes avaient en principe interdiction de sortir, devant même se faire accompagner pour aller aux toilettes. Selon les médias japonais, on est allé jusqu’à inspecter les plantes du bâtiment pour s’assurer qu’aucun micro n’y était caché.

Le Japon est le dernier pays à utiliser des ères

Le 1er mai, le Japon entrera donc dans la 248e ère de son histoire, soit beaucoup plus que les 125 empereurs officiellement recensés. Car si depuis l’époque Meiji (1868-1912) chaque ère est liée au règne d’un empereur, les changements de noms étaient beaucoup plus fréquents au cours des siècles précédents, pouvant être décidés par exemple à la suite d’une grave catastrophe naturelle ou d’une guerre, pour « prendre un nouveau départ ». L’ère la plus longue est à ce jour celle d’Hirohito, l’empereur Showa, qui a régné pendant 64 ans jusqu’à sa mort en 1989. La plus courte, au début du XIIIe siècle, n’a duré que deux mois et demi.

Le Japon est le dernier pays à utiliser des ères, un système importé de Chine au VIIe siècle. D’autres pays sous influence culturelle chinoise comme la Corée ou le Vietnam ont également compté ainsi par le passé, mais ont abandonné le système au cours du XXe siècle. La Chine elle-même y a renoncé après la révolution de 1911.

« Historiquement, l’ère sert à montrer que le souverain gouverne non seulement l’espace, le territoire, mais aussi le temps », explique Eiichi Miyashiro, journaliste au quotidien Asahi et chercheur. Après la Seconde Guerre mondiale, la souveraineté est cependant transférée au peuple japonais et le système d’ères, qui n’est pas mentionné dans la Constitution de 1947, aurait pu disparaître, peu populaire dans les décennies qui suivent la défaite japonaise. Il est revenu progressivement en faveur auprès de l’opinion à partir des années 1970, et a finalement été gravé dans la loi en 1979. Il continue à être utilisé aujourd’hui dans les documents officiels, les calendriers ou les journaux, le plus souvent en parallèle du calendrier grégorien.

La crainte du « bug de l’an 2000 »

Le nom Reiwa a été choisi parmi les propositions d’un comité d’experts, notamment en littératures japonaise et chinoise et en histoire du Japon et de l’Asie orientale. Après avoir entendu les opinions d’autres experts du monde économique, académique et des médias, puis les avis des présidents des deux chambres du Parlement, le gouvernement a pris une décision finale lundi matin, lors d’un conseil des ministres extraordinaire.

Le nom devait respecter un cahier des charges précis : être composé de deux caractères chinois (même si une poignée de noms dans l’histoire s’écrivaient avec quatre caractères), être facile à lire et à écrire et avoir un sens positif, qui exprime un idéal. Heisei, inspiré de deux anciens textes chinois, signifiait ainsi « accomplissement de la paix ». Reiwa est lui tiré du Manyoshu, le plus vieux recueil de poésie nipponne : c’est « la première fois que le gengo est issu de textes japonais », s’est félicité le Premier ministre. Le nouveau gengo devait aussi éviter les initiales H, S, T et M dans sa transcription en alphabet latin, pour éviter la confusion avec les précédentes ères Heisei (1989-2019), Showa (1926-1989), Taisho (1912-1926) et Meiji, parfois abrégées ainsi dans les documents.

C’est un mois particulièrement chargé qui commence désormais pour les fabricants de calendriers, les administrations, les imprimeurs et généralement tous ceux qui utilisent le gengo sur leurs documents, pour ajouter ce nouveau nom avant le début de l’ère le 1er mai. « En 1989, au début de l’ère Heisei, les fonctionnaires ont dû utiliser des tampons pour rajouter manuellement le nom de l’ère, par manque de temps », se souvient Eiichi Miyashiro. Cette année, certains craignent plutôt des problèmes lors de la mise à jour des systèmes informatiques, avec le spectre d’un nouveau « bug de l’an 2000 ». Ou plus exactement, de l’an Reiwa 1.