Attentats de Christchurch: «Il y avait des cadavres partout», un des rescapés raconte
TERRORISME•Abdul Kadir Ababora était présent dans une des mosquées de la tuerie de Christchurch ce vendredi. Il témoigne du choc de cet attentat20 Minutes avec AFP
Des journalistes de l’AFP ont récolté le témoignage d’un survivant de l'attentat de Chirstchurch, qui a fait 50 victimes en Nouvelle-Zélande ce vendredi.
Abdul Kadir Ababora s’est jeté par terre dès que les premiers tirs ont retenti pendant la prière, blotti sous une étagère remplie de Corans. Il a fait le mort, convaincu que le tueur s’occuperait bien vite de lui : « J’attendais mon tour. »
« Il n’y avait plus que des cadavres »
Pendant de longues minutes d’une indicible angoisse, il a entendu l’extrémiste australien Brenton Tarrant exécuter méthodiquement les fidèles rassemblés dans la mosquée al-Nour. Lui peine à expliquer qu’il soit toujours en vie : « C’est un miracle. Quand j’ai ouvert les yeux, il n’y avait plus que des cadavres. »
L’imam venait juste de commencer son sermon quand les premiers coups de feu ont retenti à l’extérieur de la mosquée, raconte l’homme arrivait de Nouvelle-Zélande en 2010 en provenance d’Ethiopie.
La première personne qu’il a vu être touchée est un Palestinien. Un homme qui avait un diplôme d’ingénieur mais qui, comme lui, gagnait sa vie au volant d’un taxi dans la plus grande ville de l’Île du Sud. « Il était parti voir ce qui se passait quand il a vu le tireur. Quand il s’est mis à courir, il lui a tiré dessus, se souvient-il. Je l’ai vu tomber. »
Un tueur méthodique
Il est encore écœuré du caractère méthodique du tueur qui tire balle après balle sur les corps tétanisés, dans un carnage qu’il a filmé et retransmis en direct sur des réseaux sociaux.
« Ce type a commencé à tirer au hasard, à gauche et à droite, de façon automatique. Il a vidé son premier chargeur puis il l’a changé pour recommencer de façon automatique. Puis il a fini le deuxième chargeur et en a mis un troisième, recommençant à tirer comme un automate dans l’autre pièce aussi. »
Il dit avoir senti le souffle des balles passant à proximité. « J’attendais mon tour. Tous les deux tirs, je me disais : La prochaine est pour moi, la prochaine est pour moi et j’ai perdu espoir », raconte-t-il. Il s’est alors mis à prier en silence et à penser à sa famille.
Des scènes traumatisantes
Le cauchemar ne s’est pas terminé avec le départ du tireur une fois vidé son quatrième chargeur. Pendant les minutes toutes aussi interminables qui ont suivi, aucun survivant n’a osé faire de bruit. Mais le silence a été brisé par les cris des blessés qui ne pouvaient plus taire leur douleur. « Il y avait du sang partout. »
Un ami l’a appelé en lui disant qu’il était touché à la jambe. Il a voulu l’aider mais la jambe du blessé était à un endroit pulvérisée par une balle. Il a titubé jusqu’à l’extérieur pour trouver un autre fidèle au sol avec des blessures horribles à la mâchoire, la main et au dos.
C’est alors qu’il a repéré deux autres corps, deux femmes dans une mare de sang. « C’était des retardataires », explique-t-il. « Quand il a achevé tout le monde dans la mosquée, il est sorti pour s’enfuir. Ces femmes étaient en retard, il leur a tiré dessus. Bang. Bang. »
« La Nouvelle-Zélande n’est plus sûre »
Le tireur avait abandonné à côté un de ses chargeurs, sur lequel étaient inscrits des symboles nazis, selon la victime. « Il avait écrit sur ses armes les noms de tous les endroits où les musulmans ont été attaqués. »
Comme la plupart des habitants, Abdul Kadir Ababora n’aurait jamais imaginé qu’une telle haine soit possible à Christchurch, dans un pays qui passe pour l'un des plus paisibles du globe. « La Nouvelle-Zélande n’est plus sûre », conclut-il. « C’est violent. »