Pollue-t-on plus en achetant du «Made in China»?

Pollue-t-on plus en achetant du «Made in China»?

SLATERéponse du magazine américain...
Par Jacob Leibenluft

Par Jacob Leibenluft

Chaque mardi, « La Lanterne», répond sur le site américain Slate.com à une question de lecteur sur l’environnement.

Tout le monde parle cette semaine du smog de Pékin. Or, la plupart des choses que j’achète viennent de Chine, des jouets de mes enfants à ma machine à laver. Suis-je donc responsable de la pollution de l’air à Pékin?

Une bonne nouvelle pour commencer: la Lanterne se trouve actuellement à Pékin, et comparé à l’an dernier, l’air de la ville semble plus propre et de nouveaux arbres et arbustes ont été plantés dans les rues. Avoir fermé les usines locales et empêché 1 million de voitures de rouler y est certainement pour quelque chose.

La pollution de l’air à Pékin est toujours supérieure aux niveaux recommandés par l’Organisation mondiale de la santé, et ce n’est là qu’une petite part des problèmes que connaît la Chine en matière d’environnement. L’an dernier, la Banque mondiale a fait le calcul: au moins 350.000 morts prématurées seraient causées chaque année en Chine par la pollution – et ce chiffre est peut-être sous-estimé. Plus de la moitié de l’eau des sept principales rivières chinoises est jugée impropre à la consommation, et les sources d’eau potables sont menacées d’assèchement. Dans le même temps, la Chine est déjà, devant les Etats-Unis, le plus grand émetteur de dioxyde de carbone du monde, et, selon certains calculs, son empreinte carbone augmente rapidement.

La Lanterne pense que le gouvernement chinois est sincère dans son désir de faire des progrès. C’est par exemple l’un des rares pays qui essaient de mettre en place un PIB vert, censé mesurer les coûts de la pollution. Mais les efforts pour verdir la Chine butent souvent sur son désir de garder le rythme en matière de croissance économique. Une croissance économique en partie «boostée» par le reste du monde, attiré par les produits bon marché chinois.

C’est là que votre machine à laver intervient. Même si des statistiques fiables sont difficiles à obtenir, des estimations récentes suggèrent qu’entre un quart et un tiers des émissions de carbone de la Chine et de sa pollution de l’air est lié aux exportations du pays. Fabriquer votre nouveau grille-pain nécessite bien sûr de l’énergie et produit des déchets, où que ce soit. (D’ailleurs, comme c’est plus propre de concevoir un produit que de le fabriquer, ce n’est pas juste de critiquer la Chine simplement parce que les entreprises américaines ont choisi d’envoyer le sale boulot à l’étranger.)

Toutes choses égales par ailleurs, une usine en Chine est pourtant plus à même d’avoir une empreinte carbone plus importante et de polluer davantage qu’une usine fabriquant les mêmes produits aux Etats-Unis. En moyenne, les usines chinoises sont moins performantes en terme d’efficacité énergétique et elles dépendent lourdement de sources d’énergie (comme le charbon) qui produisent plus de CO2 et ont un impact plus important sur la qualité de l’air. Selon certaines estimations, déplacer la production des Etats-Unis vers la Chine est à l’origine de 500 millions de tonnes de CO2 par an, l’équivalent des émissions de l’Italie toute entière. Ajoutez-y environ 10%, histoire de prendre en compte le fait que les produits chinois doivent être transportés jusqu’aux consommateurs.

Alors que doit faire le consommateur américain? Difficile d’éviter les produits Made in China car beaucoup d’objets fabriqués aux Etats-Unis contiennent des parties chinoises ou sont réalisés avec des machines chinoises.

En outre, les produits chinois ne sont pas tous aussi mauvais. Des preuves montrent que les exportations chinoises deviennent plus vertes avec le temps et il y a des raisons de croire que l’investissement étranger en Chine apporte des technologies moins polluantes. Mais les consommateurs américains n’ont aucune manière de savoir quels produits il vaut mieux éviter. Dans le processus de fabrication chinois, chaque étape peut être sous la responsabilité d’une entreprise différente, plus ou moins anonyme: il est donc complètement impossible de déterminer l’empreinte carbone exacte d’un produit donné. A moins qu’une maison mère ne les y pousse, les fournisseurs chinois sont peu incités à promouvoir des pratiques durables: personne ne serait au courant de leurs prouesses. (On en revient d’ailleurs à une des règles d’or de la Lanterne: plus vous en savez sur l’origine de ce que vous achetez, plus vous avez de chances que ce soit un produit respectueux de l’environnement.) Pour obscurcir encore les choses, il y a de grosses différences entre les entreprises chinoises, même au sein de la même industrie. Les usines les plus vieilles sont toujours très peu performantes, alors que la plupart des nouvelles utilisent des technologies importées, dernier cri.

Une règle si vous voulez acheter des produits Made in China moins polluants: les objets high-tech, comme l’électronique, ne sont généralement pas si mal, alors que les produits comme le cuir et les lunettes ont souvent causé beaucoup plus de pollution. Les textiles chinois, qui peuvent être utilisés pour fabriquer les sous-vêtements et les t-shirts que vendent vos marques préférées, ont aussi été pointés du doigt – plusieurs entreprises ont été accusées de jeter de dangereuses quantités d’eaux usées dans les rivières locales.

On pourrait avoir accès très prochainement à plus d’infos. Plusieurs entreprises qui fabriquent en Chine commencent à parler sérieusement d’évaluer le «cycle de vie» de leur chaîne de fournisseurs. Les consommateurs et les investisseurs américains pourraient ainsi récompenser les pratiques les plus vertes. Mais ça vaut tout de même le coup de se rappeler que, malgré tous les problèmes environnementaux de la Chine, les Américains émettent toujours environ 4 fois plus de dioxyde de carbone par personne. Le monde a peut-être les yeux braqués sur le smog de Pékin cette semaine, mais nous ferions sûrement mieux de concentrer nos efforts sur ce qu’il se passe chez nous.

Posté mardi 19 août