FINANCELa crise des subprimes a marqué «la fin d'un système centré sur l'économie américaine»

La crise des subprimes a marqué «la fin d'un système centré sur l'économie américaine»

FINANCEUn an après le début de la crise des «subprimes», les menaces de récession restent fortes. C'est même un tournant pour l'économie mondiale... Explications de Philippe Dessertine, professeur de finances à l’Université Paris X et directeur de l’institut de haute finance
Propos recueillis par Valérie Zoydo

Propos recueillis par Valérie Zoydo

Le 9 août 2007, la crise «subprimes», du nom des crédits hypothécaires à risque aux Etats-Unis, finit par toucher l’ensemble du système bancaire occidental. Ce jour-là, la banque française BNP Paribas annonce le gel de trois de ses fonds d’investissement exposés au marché du «subprime» et plusieurs banques centrales injectent en urgence des milliards d’euros et de dollars pour venir en aide aux banques commerciales qui ne trouvent plus de liquidités.


Alors que les ménages modestes qui avaient des crédits immobiliers se retrouvent insolvables, coincés entre des taux d’intérêts qui augmentent et des prix du logement qui baissent, les banques prennent peur, et le système bancaire mondial se paralyse.


Un an après, la crise se propage toujours et touche l’économie «réelle». Explications de Philippe Dessertine, professeur de finances à l’Université Paris X et directeur de l’institut de haute finance.


La crise se répercute actuellement sur la croissance : est-ce qu’on a déjà touché le fond?

Pas encore en Europe. Le premier semestre a été correct en 2008, mais l’inquiétude demeure pour le deuxième semestre 2008. 2009 sera marquée par la crise. La reprise pourrait être pour 2010. Jusqu’à aujourd’hui, la Chine a maintenu une croissance artificielle. Après les JO, elle risque de connaître un coup de frein. Car elle est très dépendante de l’économie américaine, comme l’Inde et le Brésil. Elle devrait donc voir sa production ralentir. A Shanghaï, l’immobilier et les cours de Bourse devraient chuter.

Entrons-nous dans une période de récession mondiale?

Ce n’est pas exclu. La Grande-Bretagne connaît déjà une récession, et l’Espagne aussi. L’Allemagne s’en tire correctement grâce à son commerce extérieur. Quant aux indicateurs français, ils sont inquiétants.

Cette crise souligne-t-elle les limites d’un système capitalistique ou financier?

Cette crise, que l’on n’a jamais connue auparavant, est un ajustement: il y avait trop de monnaies sans qu’il y ait de création de richesses. Elle permet de détruire la monnaie excessive. Elle représente également un moment charnière, un tremblement de terre dans l’histoire économique. C’est la fin d’un système centré sur l’économie américaine. Le pôle de création monétaire est usé. Aujourd’hui, beaucoup de pays émergents cherchent une alternative à la puissance américaine.


Enfin, dans une économie en liberté, à l’échelle mondiale, on est obligé de laisser faire ces mécanismes. Cela nécessite une redéfinition des règles, des rôles, de l’économie, des Etats, mais aussi et surtout des organismes de régulation.


Que conseillez-vous aux politiques ?

Ils doivent s’emparer de la préparation de l’après-crise à travers une régulation du marché. Il faut faire évoluer les régulateurs, mais aussi la question de la transparence. Il faut profiter de la présidence française de l’Union européenne pour créer par exemple, un organe de régulation des marchés financiers à l’échelle de l’Europe. Mais il faut le faire aussi pour tous les pays acteurs de l’économie en mettant en place un ONU de la finance.