INTERVIEW«Le Venezuela se trouve de fait isolé sur le continent latino-américain»

VIDEO. Crise au Venezuela: «Parler de la "main noire" des Etats-Unis relève d'un parti pris idéologique»

INTERVIEWFrédérique Langue, directrice de recherche au CNRS-Institut d’Histoire du temps présent, analyse les événements en cours dans le pays...
Nicolas Raffin

Propos recueillis par Nicolas Raffin

L'essentiel

  • Le président du Parlement vénézuélien Juan Guaido s’est autoproclamé mercredi « président » du pays par intérim.
  • Si elle a été approuvée par les Etats-Unis, cette proclamation est rejetée par le président élu Nicolas Maduro, qui parle de « coup d’Etat fasciste ».
  • Le Venezuela est plongé depuis des années dans une crise qui a poussé des millions de personnes à fuir.

Le Venezuela connait un nouvel épisode de crise. Juan Guaido, le président du Parlement vénézuélien contrôlé par l’opposition, s’est autoproclamé mercredi « président » par intérim devant des dizaines de milliers de partisans réunis à Caracas pour protester contre le président Nicolas Maduro.

Juan Gaido a immédiatement reçu le soutien explicite de pays comme les Etats-Unis, le Brésil, le Canada. De l’autre côté, la Chine, la Russie, mais aussi Cuba et la Bolivie ont affiché leur soutien à Nicolas Maduro. Frédérique Langue, directrice de recherche au CNRS-Institut d’Histoire du temps et spécialiste du Venezuela, analyse les événements en cours dans le pays.

Etes-vous surprise de l’initiative de Juan Gaido ?

Juan Guaidó n’est pas tout à fait un nouveau venu dans l’arène politique vénézuélienne. Il s’est formé notamment lors des mobilisations étudiantes contre Hugo Chávez (dès 2007) avant de rejoindre le parti Voluntad Popular, opposé à Chavez puis à Maduro. Son initiative s’inscrit dans la logique de ces assemblées populaires (cabildos abiertos) visant à restaurer la démocratie.

Il a d’ailleurs prêté serment mercredi devant ces assemblées, en vertu de l’article 70 de la Constitution et après s’être appuyé sur les articles qui précisent qu’en l’absence ou défection d’un président élu, il revient au président de l’Assemblée nationale d’assumer le pouvoir présidentiel par intérim. Or, l’Assemblée nationale élue actuelle voit en Nicolas Maduro un usurpateur.

Donc la thèse d’un complot des Etats-Unis est infondée ?

Parler de la « main noire » des Etats-Unis et d’une « auto-proclamation », quelles que soient les déclarations récentes de Trump en faveur du rétablissement de la liberté, ne relève que d’une interprétation biaisée ou d’un parti pris idéologique. Dès mercredi, les communiqués de l’OEA et du Groupe de Lima [qui regroupe plusieurs pays d’Amérique latine] étaient immédiatement favorables à Guaido. Le Venezuela se trouve de fait isolé sur le continent latino-américain.

Dans quel camp se situe l’armée aujourd’hui ?

Les révoltes militaires récentes, l’arrestation de Guaido lui-même, relâché dans la même journée, vont dans le sens de divisions internes, même si on ne peut pour l’instant parler d’abandon de Nicolas Maduro par la FANB [l’armée]. Cependant, il faut noter le refus, certes limité mais pas moins réel, de la Garde nationale (GNB) de réprimer les mobilisations du 23 janvier dans certaines villes. La reconnaissance par la communauté internationale du nouveau président et la pression appelant à un retour à la démocratie ne peuvent donc qu’influer sur l’attitude des forces armées dans les jours qui viennent.