DECRYPTAGEQue faire du Traité de Lisbonne? Le dilemme de l'Union européenne

Que faire du Traité de Lisbonne? Le dilemme de l'Union européenne

DECRYPTAGEQue contient ce texte? Quel est son avenir? Les réponses aux questions que vous vous posez...
Vincent Glad

Vincent Glad

Les ministres des Affaires étrangères européens, réunis lundi à Luxembourg, ont reconnu ne pas être certains de pouvoir sauver le traité de Lisbonne censé rendre l'Union européenne plus efficace, après un «non» irlandais pour lequel ils n'ont pas de «solution évidente». Questions-réponses pour essayer d'y voir plus clair.


Pourquoi les Irlandais ont rejeté le Traité de Lisbonne?

Il est trop tôt pour avoir une réponse définitive. Mais la campagne locale a montré les inquiétudes des Irlandais sur de nombreux dossiers: la fiscalité, les subventions agricoles, l’Europe de la défense ou l’hypothèse d’une légalisation de l’IVG dans un pays très catholique. De manière plus générale, ce «non», qui s’ajoute au veto opposé par les électeurs français et néerlandais à la Constitution européenne, peut être analysé comme une motion de défiance envers Bruxelles: «Un fossé s’est creusé entre les peuples européens et les institutions. Ce fossé est devenu un gouffre […] Les peuples veulent avoir leur place dans les décisions et savoir ce qui se décide en leur nom», déclarait vendredi François Bayrou sur 20minutes.fr.



Quel est le contenu du Traité de Lisbonne?

Le Traité de Lisbonne, signé en 2007 sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, devait entrer en application le 1er janvier 2009. Le «non» irlandais va très certainement retarder la mise en application de ce texte qui remplace la Constitution européenne repoussée par la France et les Pays-Bas. Voici les principales mesures de ce Traité que François Bayrou juge «illisible»:

  • Création d’un poste de président de l’Europe et de haut représentant des Affaires étrangères
  • Fin de la pondération des votes qui avantageait les petits pays. Le Traité instaure la «double majorité»: un texte sera adopté s'il recueille le soutien d'au moins 55% des Etats membres, représentant eux-mêmes 65% de la population européenne.
  • De nouveaux domaines, comme la coopération judiciaire et policière, passent sous le régime de la majorité qualifiée, et non plus de l’unanimité
  • La Charte des droits fondamentaux devient juridiquement contraignante pour 25 Etats (la Grande-Bretagne et la Pologne en sont exonérés)
  • Possibilité d’initiative citoyenne: les citoyens européens peuvent demander à la Commission européenne de se saisir d’un dossier s’ils recueillent un million de signatures

Quelles sont les solutions pour l’Europe après le «non» irlandais?

Il n’y a pas de solution miracle pour éviter que «l'incident irlandais ne devienne pas une crise», selon les mots de Nicolas Sarkozy. Les dirigeants européens ont néanmoins le choix entre plusieurs scénarios.

  • Faire revoter l’Irlande: c’est l’hypothèse la plus probable, défendue notamment par la France qui va prendre la présidence européenne le 1er juillet. L’objectif serait de réussir le coup de 2002 quand un deuxième référendum sur le Traité de Nice avait été approuvé à 62,9% par les Irlandais, un an après un premier échec. Pour faire passer la pilule au peuple celtique, les dirigeants européens pourraient accorder à l’Irlande des dérogations sur des sujets sensibles comme la défense ou l’avortement et demanderaient au gouvernement local de faire preuve de plus de pédagogie. En attendant, la ratification du Traité de Lisbonne continue dans les autres pays, malgré les difficultés au Royaume-Uni et en République tchèque.
  • Développer une avant-garde européenne: l’idée fait son chemin dans les cercles européens depuis le «non» irlandais. Il s’agirait d’avancer dans l’intégration européenne avec les pays qui le souhaitent. Lundi, le ministère des Affaires étrangères allemand a estimé qu'«il pourrait y avoir des scénarios où par exemple un Etat membre dirait dans certaines circonstances: “je m'abstiens de participer à certains processus de décision"». Mais le risque est de créer «une Europe à deux vitesses», comme l’a dénoncé le Premier ministre polonais Donald Tusk.
  • Discuter d’un nouveau traité: personne n’ose envisager cette hypothèse qui relancerait d’énièmes négociations institutionnelles et qui pourrait aboutir au même refus irlandais.
  • Renoncer au Traité de Lisbonne: puisque la ratification du Traité est une épreuve d’obstacles, les dirigeants européens pourraient renoncer à modifier les institutions. C’est l’hypothèse que soutient le Premier ministre irlandais Brian Cowen, qui craint la marginalisation de son pays.
  • Mettre l’Irlande «en congé» de l’Union européenne: ce serait la solution extrême que personne n’ose défendre à Bruxelles. L’Irlande, qui a adopté l’euro et qui a beaucoup bénéficié des aides régionales de l’UE, est un membre trop important de l’Europe pour en être écarté.