VIDEO. Incendies en Californie: Paradise, la ville-fantôme qui a vécu l'enfer
REPORTAGE•Le Camp Fire, qui a fait au moins 48 morts, est l'incendie le plus meurtrier de l'histoire de la Californie...Philippe Berry
De notre correspondant en Californie,
Un labrador de la brigade K9 (« canine ») renifle des décombres vitrifiés par les flammes. L’animal hésite, sans doute dérouté par la combustion de produits chimiques, puis continue sa quête funeste : il n’est pas là pour retrouver des survivants mais pour repérer des cadavres calcinés.
Mardi, la police de Paradise a découvert six nouvelles dépouilles, portant le bilan du Camp Fire à 48 morts. Quand ils seront autorisés par les autorités à rentrer chez eux, c’est une ville presque entièrement rasée que retrouveront les 26.000 habitants.
Paysages de guerre
Le lotissement de Pine Springs comptait 62 maisons préfabriquées. Il n’en reste aucune. Sans murs ni toits, qui ont brûlé les premiers, tout n’est qu’un immense champ de ruines. On croirait un quartier aplati par des bombes. Ici une baignoire noircie. Là, un reste de frigo ou de cuisinière. Tout autour, quelques voitures réduites à des carcasses de métal brûlé et de plastique fondu qui crisse sous les pieds. Des flocons de cendres virevoltent dans un silence presque surnaturel. Et partout, cette odeur de fumée, à peine atténuée par le masque de protection.
Au total, plus de 7.000 maisons ont été détruites, notamment dans le lotissement pour personnes âgées de Paradise Gardens. Située à 1h30 au nord de Sacramento, aux pieds de la Sierra Nevada, la bourgade boisée attire de nombreux retraités aux revenus modestes, qui constituent un quart de la population.
Des progrès sur le front nord
Plus au nord, le combat contre le Camp Fire n’est toujours pas terminé. Les routes sont bloquées par la police, qui laisse passer les journalistes avec un avertissement : « Si vous tombez en panne, vous serez seul, sans réseau téléphonique. »
Plus la route 70 avance, plus le brouillard jaune s’épaissit. Après un virage, les flammes sont là. La broussaille crépite et la paroi rocheuse fume sur une centaine de mètres. Un peu plus loin, un hélicoptère s’approche de la rivière dans un vacarme assourdissant. Il y remplit son « Bambi bucket » en écopant et va lâcher quelques milliers de litres d’eau sur des redwoods en feu. Il répète la même manœuvre, encore et encore. C’est un travail de fourmi, mais qui semble porter ses fruits : mardi soir, l’incendie était circonscrit à 35 %.
« On a cru qu’on allait mourir »
Au PC sécurité de Chico, à 40 kilomètres au sud-ouest, le shérif du comté de Butte ne sait pas encore quand les habitants pourront revenir à Paradise constater les dégâts. Les arbres et les poteaux électriques qui peuvent s’effondrer sont le danger immédiat. Sur le long terme, il faut également compter avec la pollution du sol et des nappes à cause des fosses septiques.
Elizabeth Erle sait déjà que la maison qu’elle louait a brûlé. Au centre d’accueil installé à l’église Neighborhood Church, cette habitante de Paradise montre sur son iPhone un Google Doc mis à jour rue par rue par les autorités. « Et mon logement ? », demande Durant, qui peine à se souvenir de l’adresse de l’appartement qu’il partageait avec plusieurs personnes en situation de précarité. « Je crois qu’il est encore debout ! », répond Elizabeth, pleine d’espoir. Après vérification, le statut de ce pâté de maisons n’est finalement pas encore connu.
Epaulée par Deslie Church, une bénévole de la Croix Rouge, Elizabeth, 56 ans, raconte comment elle a été réveillée par les flammes jeudi dernier un peu avant 8 heures : « J’ai attrapé cette photo de ma fille et de ma petite fille, mon chien, et je suis partie. » Elle éclate en sanglots, revivant le traumatisme. « Il y avait du feu et des voitures partout. Ma fille était coincée sur une autre route, on se parlait par téléphone. On a cru qu’on allait mourir. » Elizabeth a survécu, sa famille et son chien Bear, qu’elle surnomme « Baba », aussi. Mais sa reconstruction, comme celle de Paradise, prendra des années.