Deliveroo: Un livreur voit son contrat d'indépendant requalifié en travail salarié, une première en Europe
ESPAGNE•Après une décision de justice, Deliveroo, qui avait déposé un recours, a finalement abandonné ses poursuites...Manon Aublanc
Une première depuis la création de la start up. Un livreur Deliveroo a obtenu, ce mercredi en Espagne, la requalification de son contrat en contrat de salarié, dévoile Le Monde, ce jeudi.
Victor Sanchez, un livreur Deliveroo, qui travaillait sous le statut d’indépendant comme l’impose la start up, a obtenu gain de cause devant la justice espagnole : son contrat a été requalifié en contrat salarié, après une plainte contre Deliveroo pour licenciement abusif. Le jeune homme considérait qu’il était un « faux micro-entrepreneur », et qu’il devait être considéré comme un salarié au sein de l’entreprise de livraison de repas à domicile. Un statut qui obligerait donc Deliveroo à respecter certaines règles en cas de licenciement d’un salarié.
Une décision influencée par un futur procès géant à Valence
En juin dernier, lors du procès en premier instance, la justice espagnole a condamné la start up à verser au livreur, 700 euros d’amende pour licenciement abusif, reconnaissant ainsi qu’il était bien salarié. L’entreprise de livraison de repas à domicile avait immédiatement déposé un recours contre la décision de justice. Finalement, il y a quelques jours, la start up a annoncé qu’elle renonçait à son recours, rendant définitif le jugement en première instance.
Deliveroo a justifié l’abandon du recours en avançant des raisons économiques : l’amende de 700 euros versée à Victor Sanchez est bien moins élevée que la facture d’un procès en appel. Mais selon Le Monde, la décision de Deliveroo aurait surtout été influencée par un futur procès plus important. L’entreprise de livraison de repas entend « défendre son modèle », lors d’un prochain procès l’opposant à une centaine de livreurs, en février 2019 à Valence. Ces derniers, originaires de Madrid, Barcelone et Valence, ont déposé plainte auprès de l’inspection du travail pour que leur statut de salarié soit reconnu.
Une enquête ouverte en France pour « travail dissimulé »
En outre, si Deliveroo avait perdu lors de l’appel, la décision aurait pu faire office de jurisprudence ou peser sur le jugement du futur procès. « Lorsqu’un tribunal supérieur se prononce, il devient plus difficile d’obtenir un résultat différent pour un cas similaire. Deliveroo préfère sans doute ne pas avoir ce passif avant les procès qui concernent des centaines de travailleurs qui l’attendent », a expliqué l’avocat Natxo Parra du Collectif Ronda, bureau spécialisé dans la défense des droits des travailleurs précaires à nos confrères.
En France, aucun livreur n’a jamais fait condamner une plateforme de livraison à domicile. Mais selon Mediapart, une enquête préliminaire a été ouverte, au printemps dernier, par le parquet de Paris pour « travail dissimulé », et confiée à l’Office central de lutte contre le travail illégal. Dans cette enquête, qui concernerait près de 2.300 coursiers, l’inspection du travail considère qu’ils sont bien salariés classiques. Si les investigations le prouvent, Deliveroo devra rembourser plusieurs millions d’euros de cotisations à l’Urssaf.