ELECTIONSPrésidentielle au Brésil : Riches comme pauvres hésitent

Présidentielle au Brésil : Riches comme pauvres hésitent entre Bolsonaro et le PT

ELECTIONSLe scrutin est très polarisé dès le premier tour organisé ce dimanche 7 octobre...
Amélie Perraud Boulard (à São Paulo) et Nicolas Coisplet (à Rio de Janeiro)

Amélie Perraud Boulard (à São Paulo) et Nicolas Coisplet (à Rio de Janeiro)

L'essentiel

  • 147 millions d’électeurs brésiliens sont appelés aux urnes pour cinq élections différentes ce dimanche 7 octobre, dont la présidentielle.
  • Le candidat d'extrême-droite Jair Bolsonaro est crédité de 36% des intentions de vote au premier tour, alors que le parti des travailleurs (PT) a remporté les quatre dernières présidentielles.
  • L' Insécurité s’est aggravée au Brésil depuis 2016 et l'ancien président Lula, du PT, est en prison pour corruption.
  • 20 Minutes est allé à la rencontre des électeurs brésiliens, entre hésitation et désillusions.

Il est 9h ce dimanche matin à Rocinha, la plus grande favela de Rio de Janeiro, et une file d’attente d’une centaine de personnes sort d’un bureau de vote installé dans un bâtiment municipal. Sur le trottoir d’en face, Sebastião, 58 ans, grille une cigarette, alors qu’il vient de voter aux élections générales brésiliennes. « Tout va mal au Brésil, les choses vont de pire en pire, et aucun des candidats ne nous représente, lance ce père de six enfants, qui vit depuis vingt ans dans la favela. Dans mon quartier, je m’en sors comme je peux, quand je travaille j’y arrive à peu près. On est tous comme ça, chacun se mêle de ses affaires. »

Comme les 147 millions d’électeurs brésiliens appelés aux urnes, Sebastião a dû voter pour cinq élections différentes. Il était appelé ce dimanche 7 octobre à choisir un gouverneur, un sénateur, un député fédéral et un député local. Mais l’élection qui est dans toutes les têtes, c’est la présidentielle. Pour Sebastião, si tous les candidats se valent, le choix était clair cette année, en raison de l’insécurité qui s’est aggravée au Brésil depuis 2016, et notamment à Rocinha, théâtre d’une guerre des gangs depuis plusieurs mois : « J’ai voté Jair Bolsonaro, parce qu’il va s’occuper du problème. Enfin c’est ce qu’il dit. » Même dans un quartier populaire comme Rocinha, le candidat d’extrême droite, crédité de 36% des intentions de vote pour ce premier tour, a le vent en poupe.

A 430 km de là, à São Paulo, dans le quartier chic et traditionnel d’Higienopolis, la candidature de l’ancien militaire s’est imposée pour de nombreux électeurs. « Ce n’est pas mon choix de cœur, mais le Brésil a actuellement besoin d’être rééquilibré. Et je me refuse à voir le Parti des travailleurs (PT), un parti de corrompus, revenir au pouvoir : c’est pour cette raison que je vais voter Bolsonaro dès le premier tour », explique ainsi Paulo, 40 ans, qui vient de voter dans les locaux cossus d’une école privée. Il ne nie pas le caractère explosif du candidat, habitué des déclarations racistes, misogynes et homophobes, mais tente de se rassurer : « Quant à ses positions parfois extrêmes, on sait que les pouvoirs du Congrès sauront l’encadrer ».

« Honnêtement, aucun candidat n’a de plan pour le Brésil »

A Rocinha, les promesses ultraconservatrices de Jair Bolsonaro laissent pourtant sceptique plus d’un électeur. Carlos, 49 ans, et Jane, 35 ans, viennent de voter à l’aide de l’urne électronique installée entre deux flaques d’eau dans le parking souterrain d’un édifice public. « On a voté par obligation. Honnêtement, aucun candidat n’a de plan pour le Brésil. Bolsonaro, on ne savait même pas qu’il existait avant la campagne. Il a dit beaucoup d’horreurs, et ces derniers temps il fait semblant de se calmer. Mais si Bolsonaro gagne, ça va vraiment être pire pour tout le monde. » Carlos et Jane ont préféré rester fidèles au PT de l’ancien président Lula, et à son candidat Fernando Haddad, en deuxième position dans les sondages avec 22 % des intentions de vote. « On aurait préféré que Lula [condamné pour corruption et incarcéré depuis avril dernier] soit candidat, mais on espère qu’Haddad va gagner. Le PT et Lula ont fait des erreurs quand il était au pouvoir, mais ils ont fait beaucoup de choses bien pour les Brésiliens, il ne faut pas l’oublier. »
A São Paulo, Myriam, 63 ans, sait qu’elle est l’une des rares à accorder sa voix au PT, dans ce quartier d’Higienopolis tourné vers la droite : « J’ai toujours voté PT, mais avec les différents scandales de corruption qui ont éclaté, je dois bien avouer que la confiance n’est plus la même. J’aurais aimé voter pour Ciro Gomes (Parti démocratique travailliste), mais j’ai choisi Haddad, car je suis très préoccupée par le fait que Bolsonaro puisse devenir président ».

L’espoir d’une troisième voie

Dans cette élection extrêmement polarisée, certains Brésiliens préfèrent malgré tout croire à cette troisième voie représentée par Ciro Gomes. La Pauliste Maria, 29 ans, a choisi de changer à la dernière minute son vote et d’accorder sa voix au candidat de centre gauche, troisième dans les sondages avec 11 à 13 % des intentions de vote, au détriment de Fernando Haddad. « Je suis indignée que tant de Brésiliens puissent voter pour Bolsonaro, explique-t-elle. Je n’y croyais plus, mais finalement il semblerait qu’on puisse avoir un peu d’espoir que Ciro soit au second tour, donc je fais un choix stratégique. Jusqu’à maintenant, je votais PT, ayant notamment pu bénéficier de programmes sociaux pour faire mes études, mais Haddad est une marionnette entre les mains de Lula, donc il n’aura pas ma voix. Tout du moins au premier tour. » Encore faut-il qu’il y ait un second tour. Selon les analystes, l’hypothèse d’une victoire de Jair Bolsonaro dès le premier tour, avec plus de 50 % des suffrages exprimés, a pris de l’épaisseur ces derniers jours.