VIDEO. Candidat à la Cour suprême accusé d'agression sexuelle: «Etablir la vérité des années après est compliqué»
#METOO•Le candidat de Donald Trump à la Cour suprême et son accusatrice pourraient être entendus lundi par une commission du Sénat américain...Philippe Berry
De notre correspondant aux Etats-Unis,
Elle avait 15 ans et lui 17. Selon sa version, il l’a « plaquée sur un lit » et a « tenté de [la] déshabiller » avant qu’elle ne réussisse à s’enfuir. Lui dément « catégoriquement ». 30 ans après les faits présumés, l’avenir du candidat de Donald Trump à la Cour suprême, Brett Kavanaugh, est dans la balance. Les républicains veulent entendre le juge et son accusatrice, Christine Ford, mais cette dernière réclame au préalable une enquête du FBI.
L’universitaire de 51 ans se rendra-t-elle au Congrès, lundi, pour témoigner dans une audience publique, devant 20 sénateurs et des millions de téléspectateurs ? Mercredi, elle n’avait toujours pas fait connaître sa décision, dénonçant « la précipitation » des élus.
Crédibilité et motivations
Selon l’avocat pénaliste californien Zack McCready, « établir la vérité des années après les faits est compliqué car la mémoire change au fil du temps ». Sans compter que dans de nombreuses affaires d’agressions sexuelles présumées, il n’y a pas de témoin. « C’est du ''he said, she said'' (parole contre parole). Le plus important est alors d’établir la crédibilité de l’accusatrice », ajoute sa consoeur Debra White. Christine Ford a-t-elle fait de fausses accusations par le passé ? S’est-elle confiée à un proche après les faits présumés ? Certains détails (qui, quand, où) peuvent-ils être corroborés par un tiers ? Quelles sont ses motivations pour témoigner des années après ? A-t-elle quelque chose à y gagner ? Brett Kavanaugh a-t-il été accusé par d’autres femmes ? La liste est longue.
Christine Ford affirme qu’un ami de Brett Kavanaugh était présent, ivre, dans la chambre, mais ce dernier refuse de témoigner, jurant qu’il n’a « aucun souvenir » d’un tel épisode. Il assure qu’il n’a « jamais vu » Kavanaugh agir de la sorte. Ford, elle, s’est confiée à son thérapeute et à son mari en 2012, bien avant que Brett Kavanaugh ne soit considéré pour la Cour suprême. Une camarade de classe a écrit sur Facebook avoir entendu « des rumeurs » à l’époque, mais elle a effacé son message quelques heures plus tard.
« On est en train de passer à ''présumé coupable'' »
Le déferlement de témoignages du mouvement #MeToo a donné naissance à un autre hashtag : #IbelieveTheWoman (« Je crois la femme »). Ancien procureur passé du côté de la défense, Michael Cardoza grince des dents : « On est en train de passer de ''présumé innocent'' à ''présumé coupable''. Il faut analyser les faits », martèle-t-il. Les fausses accusations existent, mais elles sont rares et représentent entre 2 et 10 % des plaintes, selon une étude américaine du Centre national sur les violences sexuelles (pdf).
« Elle dit peut-être la vérité, mais le timing est suspect et ne joue pas en sa faveur », estime Cardoza. Christine Ford a en effet livré son témoignage par écrit dès juillet à une sénatrice démocrate, mais elle a d’abord souhaité rester anonyme. Ce n’est que la semaine dernière qu’elle a témoigné publiquement.
« Si elle avait réclamé une enquête du FBI dès le début, cela l’aurait rendue davantage crédible. Aujourd’hui, alors que l’audition du candidat est déjà terminée, elle donne l’impression qu’elle tente de retarder sa nomination », acquiesce Zack McCready. Si l’affaire traîne jusqu’aux élections de la mi-mandat, début novembre, les démocrates pourraient en effet – s’ils regagnent la majorité – bloquer n’importe quel candidat de Donald Trump. Dans un Washington plus politisé que jamais, la vérité semble presque secondaire.